Chroniques concerts
08
Juil
2019

Ne prévois jamais rien petit scarabée,

car rien ne se passe jamais comme prévu. Le phone sonne soudain, Henri fait son retour attendu sur la carte folle de la Route sans fin et embarque dans le noir bolide à becquet. La glacière étant toujours d’une utilité cruciale lors des déplacements vers les festivals, c’est de bonne humeur que l’arrivée se fait à Argelès où, c’est vrai, nous avions juré que nous ne retournerions plus rapport à un train de vie ne le permettant plus 1. La musique populaire devrait être accessible à des prix populaires, ainsi que les accessoires comestibles, là-bas toujours plus hors de prix. C’est pourquoi rendez-vous est pris avec le frangin Jouliouns afin de siffler à l’abri de son camion l’équivalent du débit automnal du Bitoulet en l’espace de quelques heures. C’était sans compter sur un pilote qui décide au dernier moment d’aller se garer ailleurs, la possibilité d’éviter l’infernal début d’affiche à coloration variétés lui étant insupportable. Adieu, monde, Bruel est dans le collimateur du Riton, qu’avons-nous donc fait pour mériter ça ?!

Pire, l’Abominable nous oblige même à écourter l’apéritif, qui se limitera à une pauvre ‘teille de Despé (argh !), et à gravir la cote qui nous sépare de l’entrée du site au château. Sésames en poche, dument fouillés, affublés de lunettes bleues, il est temps de s’apercevoir que l’anciennement sympathique Zaz est toujours aux commandes de la scène, le temps se fait long, félon, il s’éternise même, et si Patrick Bruel aborde les choses d’une manière un peu plus tonique, la récente cape hell-ectronique déposée sur les frêles épaules de ses chansons nous laisse, en plus de marbre, un peu étonné par un public toujours aussi fervent envers son idole absolue, déclenchant l’allumage de milliards de téléphones puisque plus personne n’a de briquet dans un monde où le tabac est moins fréquentable que le Front National. L’évolution, « l’art de dev’nir toujours plus con » chante avec justesse ARCHIMÈDE, l’art aussi de nécessairement devoir documenter la moindre minute vécue en vidéo, quitte à gâcher la soirée des gens derrière. Nous, on est LOIN. Et c’est tant mieux.

Et, question de goûts zencore et toujours, on ne se rapprochera pas beaucoup plus des tarbais BOULEVARD DES AIRS non plus, bien qu’un disque reçu au quartier général de Nawakulture il y a des lustres n’avait pas vraiment déclenché l’hostilité de votre non-serviteur. Le groupe livre sa version de la variété groovy actuelle, surfant sur les sonorités qui marchent avec intelligence en apportant leur propre touche, le public semble d’ailleurs assez conquis en général et c’est forcément quelque chose pour un groupe quand plusieurs dizaines de milliers de personnes gueulent comme des veaux son attrait pour son travail. Rien que pour ça, le moment a une certaine beauté. Question musique, on est aux antipodes de ce que défend / soutient / aime Nawakulture, et on trépigne heavy-demment comme un dingue quand les texans barbus, pas vus depuis un moment 2, sont enfin sur le point d’atterrir sur la grand scène centrale. Cinquante piges pile après leurs débuts, ZZ TOP allaient-ils, poils au menton, ravir votre ami Gédéon ?

Bingo les copains, car on a beau se dire assez justement que la setlist ne change pas beaucoup avec les années, que les musiciens - deux sur trois sont septuagénaires, rappelons-le - ne sont pas les plus remuants du monde sur une scène aussi gigantesque, le trio texan est absolument irrésistible et le défilé de classiques indémodables est jouissif, au point que les cervicales sont rudement mises à mal, question d’habitude. Trente années d’écoute du groupe transforment l’auditeur zélé en pantin désarticulé et teigneux, on tente même un slam ou deux ici et là mais la culture locale, plutôt axée sur le contemplatif avachi, tue dans l’œuf toute opération de cascade rock’n’roll. Pourquoi alors ne pas noyer son infini chagrin dans l’onéreux pipi transporté par de courageux bonhommes jaunes au dos en forme de bidon et à l’antenne-mirage-d’oasis ? On s’étonnera ensuite de la poussée ventrale des quadragénaires quand la foule s’extasie devant les jolies lumières et se contente…du spectacle ?

Surprise, des siècles après la chouette doublette Le Prix du silence / L'Art de la joie qui nous avait fait voir LA RUDA SALSKA maintes fois à l’occasion de concerts les confrontant aux « locaux » KARGOL’S, MARTO’S PIKEURS pour citer des noms raccord avec l’époque, voilà que LA RUDA tout court est revenue sur les lieux de nombreux crimes, un Sud de la France qui a de tous temps acclamé le groupe quand les keupons et les hardos classiques étaient un peu en dépression. Le groupe de Saumur sait toujours y faire pour allumer un incendie avec ses morceaux les plus puissants, puis inspirer la paix et la rigolade avec les plus festifs. Ce n’est pas qu’on est si fan que ça du genre ska / punk / fusion mais il faut reconnaître que quand c’est bien fait, tout le monde (ceux qui ont eu la gentillesse de ne pas fuir après ZZ TOP) se laisse prendre au jeu du pogo, même si placer un slam est une fois de plus impossible. Putain mais t’étais où, Souflette, hein ?!

Spéciale Ged-y-casse aux compagnons de route et de fiesta (dont une, hilare, prononcera la phrase du jour : « regarde, c’est Jean-Claude Dusse au chant ») et bien sûr à Lara et Pierre que nous remercions au passage. On the road again !

1 voir SUPRÊME NTM [Fra] + RILÈS [Fra] + Francis Cabrel [Fra] + THE STRANGLERS [Uk] à Argelès-sur-Mer, Déferlantes le 08/08/18.

2 comme ça passe vite ! Voir ZZ TOP [Usa] + MADEMOISELLE K [Fra] + d’autres à Argelès-sur-Mer, Les Déferlantes le 09/07/11.

Les mots-clés :

Quelques chroniques en vrac

heavy speed metal french hard rock
death black metal allemagne cd
blues rock hard psychédélique Angleterre LP