Chroniques concerts
04
Oct
2019

C'est avec un coup de vent terrible, en tout cas pour qui n'habite pas Narbonne,

que nous sommes reçus dans la ville pour une nouvelle rencontre avec Olivia Ruiz 1 pour un spectacle particulier. Mais tout d’abord, on découvre à l’étage, par le biais d’une exposition que la tornade audoise a plusieurs cordes à son arc : ajoutons donc la photographie à la musique avec sur deux volets (« Du Sud de la France au Sud de l’Espagne » et « Made in America ») des jeux de reflets qui s'avèrent à la fois ludiques, colorés, et même drôles parfois. La musique n’est jamais loin puisque les images de studio sont là, en quelque sorte pour boucler la boucle ?

Après quelques rasades d’un bon vin blanc assez frais, on en profite pour faire le tour d’un lieu qui a quelque peu changé depuis nos derniers passages 2, un cinéma se trouve maintenant inclus et les décors flash muraux font ressortir l'architecture sobre de ce théâtre où se retrouve déjà beaucoup de monde, peut-être est-ce même complet, nous n’avons jamais su compter que les centilitres. Le copain Souflette est évidemment dans la place (big up frangin !), les filles sont ready, alors c’est parti pour la salle où nous sommes dispatchés suivant le numéro souillant le ticket.


Un début rap sur l'exil et soudain la lumière baisse et…la voix, LA voix arrive…tout en sobriété, mais la puissance est là, une puissance certes solennelle, mais voilà que soudain on ouvre le rideau, le groupe apparaît : on discerne deux guitares, une contrebasse, du cuivre, une scie musicale, un clavier, mais aussi un voile où sont projetées des vidéos historiques liant les compositions à l'histoire avec un grand H, celle de la guerre d’Espagne, de la première levée d’un pays contre le fascisme et d’un sujet que nous avons abordé régulièrement cette année : la Retirada ou exil des républicains espagnols 3. Jolie mise en scène donc (de Jérémie Lippmann) mais alors, quid du côté musique ?

La voix acidulée d’Olivia, irrésistible et d'une puissance folle quand l'émotion est là, a pour écrin une bande originale moins remuante que d’habitude pour coller au sujet, ce qui n’empêche pas parfois le public, fervent, de s'empresser de reprendre ici ou là un refrain (certains tubes sont là, Non-dits, J'traîne des pieds, mais aussi de grands classiques de la chanson espagnole) avec une chanteuse qui force le respect : le volcan est ce soir contenu mais est palpable, le sang parle forcément quand, sans rien, à l’étranger, tes grands-parents sont des intrus (des « indésirables » même, d’après décret) à l'époque noire. Le rejet de la différence est dénoncé, le culte du souvenir célébré (« si on a pas d'histoire, on est quoi ? ») et le punk qui gouverne ce crâne se voit ravi par quelques morceaux plus saccadés et menaçants, par exemple avec ces sifflements morriconien.

La jolie danseuse de la boîte à musique est une redoutable auteure-interprète-chef d'orchestre doublée d'une personne engagée, on l'aime tellement qu’on peut déjà déclarer que ce spectacle profondément humaniste et terriblement musical, au savoureux parfum d’espoir et à l’histoire rocambolesque (sont-ce les fantômes des vieux dictateurs qui étaient encore à l'œuvre ?) va rester un temps fort de la saison culturelle locale, tant ce soir Olivia, avec cette voix à foutre la chair de poule à qui que ce soit de vivant, évoque une pasionaria  de ce temps qui manque tant de repères et d'exemples. Lié à un bouquin ou un DVD, le spectacle serait fort pédagogique auprès des jeunes chez qui effacer la mémoire est devenu un jeu malsain de nombre de dirigeants du monde.

La question reste cependant en suspens : est-il possible qu'après toutes ces années les choses changent quand on a un œil attentif sur les « informations » ? En cas de courage, il n’y a « plus qu’à s’y mettre » !

Nota fucking bene : Olivia Ruiz présente ses musiciens (Franck Marty, Vincent David, Mathieu Denis, David Hadjadj) avec une telle tendresse que ce sont des années-lumière qui la séparent des stars à groupe interchangeable, elle présente aussi les techniciens (Wilo Siméan, Vincent Domenichini, David Conier, Maxence Pesenti, Marine Ottogalli, Karine Morales, Nicolas Boualami, Enzo Pallazio) et les remercie tous d'avoir relevé le challenge pas donné à n'importe qui, putain que c’était beau !

P. S. : le titre Bouches cousues nous rappelle le bouquin Cœurs cousus, un chouette roman revenant sur la même époque, y a-t-il rapport ?

1 voir par exemple Olivia Ruiz [Fra] + Claudio Capéo [Fra] à Carcassonne, Théâtre Jean-Deschamps le 22/07/17.

2 voir Voyage au bout de la nuit de Françoise Petit d'après Louis-Ferdinand Céline (avec Jean-François Balmer...) à Narbonne, Théâtre le 07/11/13 et D'hommages sans interdit(s) (avec Jean-Claude Dreyfus...) à Narbonne, Théâtre le 15/11/13.

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