Chroniques cinema
10
Jui
2014

Les étoiles évaluent le plaisir ressenti à la découverte des œuvres, rien à voir avec une quelconque note !

Genre : historique

Scénar : Francfort, 1958 : les enfants chantent des bluettes dans les écoles et on tente d'oublier la guerre mais pas facile de croiser des tortionnaires au coin de la rue. Alois Schultz a non seulement survécu à sa guerre dans les Waffen SS mais il se retrouve, à la faveur de la pénurie de personnel, instituteur ! L’horreur que ressent l’ancien déporté Simon Kirsch est indicible, son ami journaliste Gnielka est enragé et s’en va secouer en vain le procureur général. Un jeune procureur tâtillon, Johann Radmann, abonné aux « crimes » routiers, décide de s’intéresser au dossier. Ignorant l’existence des camps d’extermination dans une société du silence coupable, il s’attaque au cas de cet ancien sbire d’Auschwitz, quitte à faire des vagues au sein de son bureau et de ses supérieurs. Il est finalement chargé d’aller au bout par le procureur général Fritz Bauer, qui le prévient : « c’est un labyrinthe, ne vous y perdez pas ». C’est dans les archives de l’horreur d’Auschwitz qu’il prend conscience que les survivants ne sont pas nombreux mais les victimes innombrables, les témoignages affluent et accablent Mengele et ses bourreaux-adjoints, Radmann devra pourtant se contenter de la chasse aux subalternes, mais son opiniâtreté, malgré les menaces qui ne tardent pas, paiera : le deuxième procès d’Auschwitz (après celui de Höss en 1947) s’ouvrira enfin en 1963.

L’histoire d'un combat qui rappelle parfois Les Incorruptibles par le rapport crescendo que le film entretient avec la musique, une évocation forte (et sans la culpabilisation habituelle, par exemple, on n’entend pas la plupart des témoignages des déportés) sur les lendemains de la dénazification qui effaça beaucoup de traces, souvent à dessein pour pacifier l’immédiat après-guerre dans un pays qui ne semble pas prêt à assumer. Remarquez bien que de toute façon pour les Alliés, américains en tête, les allemands ont tous été des nazis notoires. Une génération suivante a forcément été élevée dans le silence et la honte, on parle même parfois de manipulation de l'histoire à cause de l’ignorance cultivée par les nouveaux dirigeants. Après tout, les ex(?)-nazis fourmillent toujours dans l’administration, c’est dire la difficulté de l’entreprise de vérité.

Voici donc, en plus de la grande valeur documentaire de la chose, un très bon film avec un casting chouette, de la chanson jazzy auf Deutsch et en vinyle, des belles Opel fifties, ainsi qu’un message important : si l'oubli est le pire des dangers, il motive parfois des sursauts salvateurs. Et il valait mieux : entre les américains qui ne s'intéressent qu'à la guerre idéologique avec les soviétiques, le désespoir des survivants et d’une génération d'écorchés traumatisés, sans parler de l'immensité des archives nazies à défricher, on y serait encore sans des Radmann et des Bauer.

Ne reste-t-il [donc] que la guerre pour tuer le silence ?

Oui, quitte à la faire des dossiers à la main.

 

[Chronique écrite dans les murs du Ciné 3 à Bédarieux - 34 ==> http://www.cine3-bedarieux.com/]

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