Chroniques DVD
08
Mar
2009

Les étoiles évaluent le plaisir ressenti à la découverte des œuvres, rien à voir avec une quelconque note !

Genre : documentaire

Scénar : au Salvador, la « Mara 18 » enterre ses morts en communauté soudée et fervente, quitte à s’apparenter à une secte, et on devine que son ennemie mortelle, la « Mara Salvatrucha », fait de même de son côté. Car l’extrême pauvreté locale pousse à l'entraide, ce que les autorités sont à des années-lumière d'appréhender, même avec une initiative comme celle de la boulangerie que quelques anciens membres décident de monter pour inspirer plus de respect. Mais la police ne montre aucune confiance, adieu réinsertion, seule une répression mécanique fait face au conflit qui fait deux mille morts par an (!!). Après tout, qu’attendre d’autre d’un régime d'extrême-droite aux accointances avec les anciens escadrons de la mort et qui ne défend que les intérêts des riches ? Sans parler de la mort de policiers qui envenime régulièrement la situation déjà infernale.

Alors pourquoi tant de haine ? Toujours la même histoire de territoire, de trafic de drogue et de rivalités. Christian Poveda, qui était déjà sur place pour photographier la guerre civile en 1980, a suivi pendant seize mois la « 18 », a filmé le désespoir sans voyeurisme et, entre émotion et suspense, le destin - souvent funeste - de tous ces personnages. Comme dans une série où ton personnage préféré peut mourir, tac, comme ça, parce que c'était écrit dans le plus inexorable des scénarios (le meilleur exemple étant Oz 1), ici les joies ne voient que les tragédies pour leur succéder, selon quoi le film est extrêmement touchant car malgré leurs cicatrices et leurs tatouages sur la tronche, ces gens sont beaux dans leur malheur, et ce dernier ne peut venir à bout du besoin de liberté même si les morts se succèdent sans relâche. Le réalisateur mourra d'ailleurs lui aussi assassiné en 2009 à San Salvador, il aura payé le prix de son engagement dans le documentaire extraordinaire qu’est ce film. Son dernier appel téléphonique concernait l'apparition du film en DVD dans les rues alors qu'il avait promis de ne jamais le diffuser dans le pays, serait-ce là une raison de son assassinat ? 

Pour rappel, deux-cent-mille salvadoriens se réfugièrent à Los Angeles à cause de la guerre civile. Et parmi eux beaucoup d'anciens membres des escadrons de la mort et des déserteurs de l'armée, tous ont donc une expérience militaire et vont vite être confrontés aux gangs de Chicanos. En 1992, lors des pourparlers de paix - après douze années de guerre civile, les États-Unis promettent de faciliter le retour des exilés au Salvador, ils en profitent aussi pour renvoyer les détenus, les deux gangs (nés de la scission d’un gang plus ancien pour une histoire de femme !) n’auront plus qu’à se reconstituer sur place. Depuis, le même problème a lieu au Guatemala et au Honduras voisins et les trois petits pays d’Amérique centrale recensent au moins soixante-dix mille membres de maras !! Dont certaines ont déjà posé le pied en Europe 2.

La Vida loca est un film bouleversant, doté d’une excellente bande originale (hey les hardos, on aperçoit même à un moment un T-shirt de TRANSMETAL, yeah !) et qui voit se succèder des séquences parfois dures à l’image de cette « vie folle » qui s’achève souvent dans un sac plastique. D’ailleurs, comme de lugubres titres sonores de chapitres, ce sont des coups de feu qui annoncent les morts. Malgré tout, tous ne renoncent pas à l'espoir, le réalisateur d'abord bien sûr, mais aussi des personnages extérieurs au gang comme la juge ou le chirurgien oculaire. Dans la nuit noire brillent souvent de petites étoiles même si elles sont, elles aussi, vouées à disparaître tôt ou tard…

 

Bonus : les documentaires « Enquête sur l'assassinat du réalisateur » (extrait d'Envoyé spécial, 31’) et « Rencontre avec Christian Poveda » (tournée semble-t-il à Perpignan lors de Visa pour l'image 3, 22’) ainsi que des bandes-annonces d'autres films (La Vague / Commis d'office / Disgrâce). On se demande juste où est passé Le Lexique des Maras annoncé sur le boîtier.

Puis, sur le deuxième CD bonus de cette édition collector :
- Revolución o muerte, premier documentaire du réalisateur tourné en 1981 sur la guerre civile (50’)
- Confrontation entre deux gangs (extrait de L'Effet papillon, 8’)
- Entretien avec Christian Poveda (lors du festival de San Sebastian de 2008, 19’)
- La Vida loca made in usa (de Poveda, contient de superbes photos en noir et blanc, 12’)
- Rencontre au cœur des maras (de Poveda, quelques portraits de personnages du film, 16’)
- clips de La Vida loca (encore de superbes photos à noter en plus d'un excellent morceau) et Bang bang (inspiré bien sûr du titre de Cher popularisé par Nancy Sinatra), pour info, les deux morceaux sont interprétés par Sébastian Rocca.

+ dans ce double boîtier vous trouverez aussi un album photos de 28 pages.

1 voir Oz de Tom Fontana (avec Harold Perrineau Jr., Lee Tergesen...) 1997-2002.

2 voir Société noire de Andreu Martin (Asphalte - 2016).

3 ici on adore cette manifestation, voir par exemple « Visa pour l'image » 2010 à Perpignan , « Visa pour l'image » 2014 à Perpignan ou « Visa pour l'image » 2015 à Perpignan.

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