Le Bûcher de Montségur de Zoé Oldenbourg (Editions de Crémille - 1989)

Gérard Walter le rappelle dans l'introduction, quand Philippe-Auguste annexe la Normandie, il ouvre à la France un accès à un commerce florissant vers le nord.

La conquête du Languedoc apportera elle aussi son incroyable lot de richesses. Mais au prix de morts et de destructions innombrables, les vassaux du roi déchaînant les enfers sur la société occitane dès 1208 à l'appel à la croisade du pape Innocent III contre les hérétiques albigeois. La géographie politique complexe de ce territoire indépendant entouré de vassaux et de luttes d'influences (La France, forcément, mais aussi les couronnes d'Espagne, d'Angleterre sans oublier l'Empire et la Papauté), la sociologie particulière, très éloignée de celle de la France primitive au Nord sont autant d'arguments pour expliquer une indépendance très mal digérée par le roi de France, et par l'Eglise qui voit en le Languedoc une terre qui échappe à ses griffes acérées. De plus, descendants des bogomiles bulgares du Xème siècle, les cathares essaiment et construisent au grand jour une véritable Eglise dans les Balkans, puis en Italie du Nord et dans le Languedoc, une Eglise qui plus est clamant détenir la vérité divine. Rappelons, d'après les témoignages de l'époque, que le clergé du Sud du pays se distingue par une corruption à peine croyable. Les cathares, "bons hommes", n'ont aucun mal à entraîner dans leur sillage de très nombreuses ouailles écoeurées par la conduite indigne du clergé classique. 

L'assassinat, le 15 janvier (ça ne s'invente pas...) 1208 de Pierre de Castelnau allume la traînée de poudre qui va être fatale aux parfaits, la croisade sévit vite et fort: juillet 1209 a lieu le sac de Béziers puis la chute de Carcassonne, Simon de Montfort enchaîne sur Minerve (où apparaissent les premiers bûchers) et Lavaur. Après vile excommunication, c'est le comte de Toulouse, protecteur des parfaits, qui est en ligne de mire. Montfort entreprend la colonisation du Languedoc en substituant des français aux occitans et agit en chef incontesté. Le roi Pierre d'Aragon qui lève son armée contre lui est défait à Muret. Un peu plus tard, Toulouse, martyrisée par Montfort, se soulève et met en échec la croisade qui y laisse son chef.   

C'est le royaume de France qui va prendre le relais et précipiter les évènements (Louis VIII d'abord, puis Blanche de Castille, régente vu le jeune âge du futur Saint-Louis et féroce catholique). Raymond VII de Toulouse se voit imposer un traité humiliant, c'est le début du démantèlement du Languedoc et de la persécution systématique des "hérétiques" par l'Inquisition dominicaine diligentée par le pape. Le château de Montségur, étrange capitale du monde cathare, est finalement sacrifiée et condamnée sur le Prat dels Cramats le 16 mars 1244.

Mais si le Languedoc, quelques années plus tard, se voit privé de sa liberté (1271) et bientôt de sa langue, l'Eglise, avec des procédés loin de ses préceptes (un coup d'oeil aux appendices en fin de deuxième volume montrera jusqu'où l'exhortation fanatique peut aller) moralisateurs, restera discréditée du fait de son intolérance et sa soif de pouvoir inextinguible. Jusqu'à aujourd'hui cette grande victoire de Rome reste une de ses plus grandes défaites.

Zoé Oldenbourg, grande spécialiste de cette période, trace un portrait précis du monde cathare, en tout cas à partir des renseignements qui sont parvenus jusqu'à nous, et livre un récit passionnant et criblé d'informations cruciales pour appréhender un sujet toujours brûlant (sans jeu de mots ?) et qui inspire chaque année de nouveaux auteurs, pour le meilleur comme pour le pire. Ce texte est un classique à recommander aux amateurs d'histoire avides de connaissances.

341 + 333 pages avec quelques illustrations en couleurs

 © GED Ω - 13/01 2012