InterviewsLes propos des interviewés n'engagent que leurs auteurs.
03
Aoû
2014

[Publié à l'origine dans C Le Mag N°104]

 

Diane de Gaudart D'Allaines est à n'en pas douter une grande dame, à l’œil perçant et aux bons mots parfois railleurs, jamais méchants. En cette célébration annuelle de la femme ce 8 mars (les autres jours ne comptent-ils pas ?), nous nous sommes entretenus avec la descendante du  à propos de l'abbaye de Valmagne, de sa vision des choses et de la vie qu'elle occupe de façon dense depuis presque quarante ans sur le domaine.

C'est d'ailleurs une question qui nous tarabuste, comment dirige-t-on, restaure-t-on un lieu d'une telle beauté, d'une telle ampleur tant architecturale qu'historique ? « Les gens qui ont des propriétés comme ça ont toujours beaucoup de mal, il est certain que les monuments historiques demandent beaucoup d'entretien et beaucoup de démarches pour obtenir de l'aide dans ce sens, l'Etat est très content quand les propriétaires font ce qu'il faut, les ouvrent au public, permettent de développer le tourisme, un domaine qui emploie par ailleurs une quantité énorme de personnel. Toute la famille travaille ici et ce n'est que comme ça que l'on peut continuer. J'ai commencé en 1975 au côté de ma mère qui ne souhaitait pas ouvrir au public mais je savais qu'il fallait rentabiliser cet endroit parce que sans ça on n'y arriverait jamais. On l'a donc fait, ce qui a permis d'engranger un peu d'argent et de vendre quelques bouteilles de vin. A partir de 1978, j'ai ouvert plus largement encore au public, on a mis le vin en bouteilles, on a restructuré le vignoble qui avait été loué pendant des années. J'y suis allé doucement alors qu'aujourd'hui on apprend aux gens, lors de formations par exemple, à générer de l'argent et caetera. En 1975 on ne nous apprenait rien tant sur le tourisme que sur le reste. Même si cette notion d'argent m'est à peu près égale, elle a été indispensable quand il a fallu restaurer : il fut un temps où il « pleuvait », on avait disposé des comportes partout dans l'abbaye, il fallait refaire toutes les toitures que la famille avait déjà faites deux fois. Pendant les trente ans qui ont suivi la guerre, presque rien n'avait été fait et un lieu pareil se dégrade à une vitesse absolument épouvantable, sans oublier les abords à entretenir ! Pour ma part j'ai accepté quelques mariages et quelques congrès et ça nous a bien aidés, ainsi que les devis raisonnables que l'on présentait alors. Depuis les choses ont changé, les subventions arrivent souvent après les paiements, pour l'anecdote, Georges Frêche demandait en 2008 si nous avions reçu une subvention pour les 1000 m2 du sol que nous avions restaurés, je lui ai répondu que je n'en avais pas demandé vu le temps que cela prenait à être mis en place, après en avoir ri il m'a dit qu'il nous donnerait une subvention pour nos arc-boutants ! 

C'est le moment de savoir ce que notre hôte pense justement de la gestion de la région mais aussi de la société dans son ensemble : « Je trouve que l'on est en crise dans toutes les régions mais également que l'on continue à faire beaucoup de choses bien que parfois on se demande si tout est bien nécessaire. C'est peut-être mon grand âge qui me fait réagir comme ça mais je trouve qu'il y a trop d'informations. La société en général m'épate un peu parce que je n'ai pas été élevée comme ça mais il me semble que reviendra un jour une certaine politesse que l'on pourrait croire perdue devant le comportement de certains »… Quand on y réfléchit n'est-ce pas lié au fait qu'au fond les gens vivent seuls, devant des écrans, le téléphone à la main, sans réelles relations sociales ? « Oui, c'est ça, je pense qu'un jour il y aura un bug et tout va ficher le camp. Cela dit, c'est formidable, tous les jours j'apprends quelque chose, tout le monde discute sur Internet, de tout et de rien. La France, elle pense à bouffer, à aller en vacances, et elle parle. Tout le monde donne son avis ! Mais tout le monde trouve ça fou dans le même temps. Tous les jours on trouve dans la boîte des tonnes de courrier aussi, est-ce qu'on ne pourrait pas par exemple réunir tous ces journaux « officiels » en un seul (région, commune, etc…) ? »

Les débats se multiplient ces derniers temps, par exemple celui du mariage pour tous: « Je vais vous dire, les homos ne me dérangent absolument pas. Ce qui m'ennuie ce ne sont pas les gens qui veulent adopter, mais les enfants. Les gens recherchent énormément leur généalogie maintenant. Certains ne s'y intéresseront pas mais il y en a d'autres que ça gênera. En plus je n'aurais pas appelé ça le mariage pour tous mais le pacs pour tous. C'est mon opinion, elle est très réservée, cela dit ils ont le droit de vivre comme les autres ». La religion s'en mêle, quel est son impact ? « J'ai été élevée dans la religion catholique mais on s'aperçoit à un moment que ce n'est pas la seule. Et si celles-ci prêchent l'amour pour son prochain, elles ne peuvent être que de bonnes religions. Mais malheureusement elles ont fait beaucoup de mal. Comme la religion catholique par exemple à l'époque de la Croisade des Albigeois. Je suis persuadée que l'homme ne rêve que de plaies et de bosses, il faut qu'il se batte, il aime ça. La non-violence de chez Gandhi par exemple, je n'y crois pas. Il suffit de voir le passé d'un lieu comme Valmagne. Par exemple avec le routier Seguin de Badefol qui mit le pays à feu et à sang au XIVème siècle, les guerres de religions qui opposent catholiques et protestants etc. »…

On a tous une femme que l'on admire… « J'avais beaucoup d'admiration pour Françoise Giroud et Louise de Vilmorin que j'ai rencontrée. Peut-être étais-je impressionnée par leur belle allure. Pour certaines femmes comme Simone Veil, l'avis est unanime, bien évidemment ». Est-ce que cet esprit des grandes dames n'aurait pas un peu disparu ? La vision épouvantable de certaines, souvent à la télévision, ne le tue-t-elle pas à petit feu ? « Je dois dire que ça me fait un peu souffrir. J'ai l'impression que l'on peut admirer une Mère Térésa, une Sœur Emmanuelle parce que leur vie a été un vrai dévouement aux autres et ce n'est pas donné à tout le monde. A la télévision, ça change tout le tout le temps, on se demande où ils les recrutent ! » (rires) En quoi les femmes sont-elles supérieures aux hommes ? « Les femmes sont partout aujourd'hui, et elles sont très précises, je crois que les hommes survolent plus, je pensent que les femmes descendent plus dans chaque discipline et sont du coup quelquefois plus fiables ». 

Rappel historique sur l'Abbaye de Valmagne : cette abbaye bénédictine puis cistercienne est fondée au XIIème siècle et traverse une histoire tumultueuse qui ne sera pas sans dommages pour le monument de la Guerre de Cent Ans à la Révolution Française. Rachetée en 1838 par le Comte de Turenne, elle est de nos jours toujours propriété de la famille qui continue tant bien que mal à faire vivre le lieu qu'il faut faut absolument visiter lors d'un passage dans la région. 

© GED Ω - 03/08 2014

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