InterviewsLes propos des interviewés n'engagent que leurs auteurs.
26
Aoû
2015

[Publié à l’origine dans Cryptic Propaganda #1]

Sans vouloir manquer de respect à ces messieurs, il faudrait peut-être rappeler à l’assemblée les principaux faits passés de votre histoire qui remonte quand même à vingt ans plus tôt cette année si on creuse jusqu’au séminal CRUCIFIX, pourquoi ce relatif anonymat depuis ?

Quand on a fondé CRUCIFIX en 94, nous étions de jeunes fous de thrash death, ambiance bien old school, sombres forêts et cimetières, animés par les photos des groupes qu'on écoutait, en particulier la scène death metal US (CANNIBAL CORPSE, MORBID ANGEL, OBITUARY, DEICIDE) mais également européenne (HYPOCRISY, DISMEMBER, UNLEASHED, SINISTER). Tous ces groupes avec ce côté morbide ou sataniste.

Assez rapidement on fait quelques scènes locales, mais à l'époque on partageait avec au mieux un groupe de hardcore. Les groupes qui faisaient ce style à l'époque se comptaient sur les doigts de la main. Un jour Loran s’est ramené avec la compil Blackend puis le split EMPEROR / ENSLAVED. Ce fût une claque énorme, car cette musique dégageait une aura démoniaque avec cette ambiance qui prédomine sur la technique. Indéniablement cela a influencé nos compos. On a décidé de rajouter du chant aigu, qui était censé faire les chorus mais qui est rapidement devenu une véritable voix lead à part entière.

On a encore quelques enregistrements de répèt en k7 de cette époque qu'on faisait tourner entre potes. On doit avoir 2, 3 bandes assez représentatives, ressorties tout récemment des vieux tiroirs. On commence à cette époque à sortir un peu du département, et à jouer sur Toulouse, Agen, et on rencontre Ashley (OUROBOROS, etc.) pendant cette période qui nous propose de nous enregistrer. Entre temps il monte Snakebite Prod et le pemier album 1 sort naturellement chez eux. Pendant ces 10 ans, il ne nous est jamais venu à l'esprit d'aller en studio, on faisait nos morceaux, le garage, quelques dates et puis voilà.

A partir de là on enchaîne quelques dates, dans le Sud principalement, et on a continué à composer, à jouer, répéter, dans notre coin, à notre rythme. On avait bien dans l'idée de sortir autre chose, mais sans échéance, quand tout serait prêt. On a digéré inconsciemment nos influences, nos compos sont devenues plus personnelles surtout au niveau des textes. Puis une fois un ensemble cohérent de morceaux terminés on a décidé d'enregistrer tout ça, à la maison.

Sans vouloir en rajouter une couche, on voyait souvent NECROCULT sur des affiches de concerts et pendant quelques années silence radio de ce côté-là aussi, était-ce dû au fait d’enregistrer cette série de morceaux dont nous allons parler plus bas ou la vie de tous les jours a-t-elle débordé sur l’activité du groupe ?

En 2008, après la date avec ENSLAVED à Toulouse, on a stoppé les concerts pour des raisons personnelles. Quand on est les trois mêmes depuis le début c'est tous sinon personne. Donc pas de concert pendant environ quatre ans. On a donc décidé durant cette période de poursuivre les compos et d'enregistrer de nouveaux titres. On a donc comme on l'a toujours fait continué à jouer chez nous et à se faire plaisir, toujours avec la même passion (et la même patience). Manu a en parallèle monté OLDSKULL, son projet de death metal avec quelques potes et Yannick, le bassiste de TRASHNASTY.

On est toujours resté au contact de la scène, on va aux concerts et surtout on organise la date Une Nuit En Enfer (avec des membres de TRASHNASTY et d'OLDSKULL) près de Toulouse, ce qui permet de nous impliquer concrètement dans le milieu.

Le disque promo 2, que tu eus l’infinie délicatesse de m’envoyer sur un VRAI support soigné, ça a son importance dans ce monde sur la voie de l’impalpable, est destiné entre autres aux labels car vous cherchez de quoi sortir ceci officiellement. Profitez de cette tribune pour annoncer clairement ce que vous recherchez en termes d’esprit, de service, etc.

Pour nous, l'important était de proposer quelque chose de fini et de physique, il est primordial d'utiliser avant tout un support CD, bien que nous ayons également un support digital. Un ensemble cohérent et indissociable, des morceaux avec une ambiance qui nous correspond et un artwork de qualité. On a pris le temps de faire ce qu'on voulait, comme on le voulait. Sans compromis. On cherchait un label qui est dans le même esprit, à savoir, qui respecte l'identité du groupe, mais que cette identité soit cohérente avec ce que le label recherche et propose, sans concession commerciale ou propagande idéologique. On cherche un label qui puisse nous proposer avant tout une bonne distribution, sachant qu'on n'a pas envie de se décharger de la promotion, on compte bien participer activement à tout ce qui est possible (!). Nous avons pu faire un deal pour une sortie en co-prod avec Satanath Record et Ira Militias que nous connaissons bien. Le CD est disponible depuis début juin et les premiers retours sont très bons.

« Mixé, enregistré, masterisé par mes soins ». Loran, as-tu donc ton propre studio ? Ou home-studio ? As-tu suivi une formation ou es-tu autodidacte dans le domaine ? As-tu déjà enregistré d’autres groupes ? Qu’attends-tu d’une production pour NECROCULT, quels détails veux-tu souligner ?

Nous avons la chance d'avoir des conditions idéales pour jouer à la maison, à la campagne. Depuis toujours j'ai fait des enregistrements plus ou moins élaborés sans réel matériel. Quand nous avons décidé de nous enregistrer, nous avons testé un morceau, vite fait, pour voir ce que ça pourrait donner. Nous avons été complètement satisfaits, le plus important, l'ambiance et le côté naturel était complètement respectés. J'ai donc investi l'équivalent de 2 jours de studio pour acheter 2 micros, une carte son et des enceintes. J'ai utilisé un soft un peu alternatif à ce qui se fait traditionnellement, basé sur une application complètement libre (Mixbus basé sur Ardour sous Linux, pour rentrer dans la technique), qui permet d'avoir une approche analogique pour faire le mixage. Ça m'a permis de me concentrer sur la création plutôt que sur les aspects purement logiciel. Je n'ai aucune formation, si ce n'est d'avoir participé à 90 % de l'enregistrement et du mixage de notre premier album. Le plus difficile est de ne pas tomber dans un son trop commun, que tout le monde peut avoir avec quelques simulateurs et plugins récupérés sur le net. Le plus important pour moi était d'arriver à conserver la dynamique de notre jeu, ce point a été le fil conducteur de tout l'enregistrement et du mixage. Autre point très important, et on peut se le permettre quand on a le temps, c'est de bosser les morceaux quand ça passe pas plutôt que de faire de l'édition.

Tu trouves important de joindre les paroles à ton disque, ce n’est pas courant puisqu’il faut toujours courir après les groupes pour les obtenir, on économise même de l’argent en ne les incluant pas dans un livret alors qu’elles sont aussi importantes que la musique ! Il semblerait que la perdition de l'âme, la mort et la vie après celle-ci ou l'hypocrisie des religions organisées soient des thématiques abordées, pouvez-vous en dire plus ?

Les textes font partie intégrale de notre musique et il nous semble très important de les mettre à disposition. Ça permet aussi de bien s'identifier et de lever toute ambiguité. Nos textes ont toujours été occultes, ils sont en rapport avec le cheminement de l'Être, point ici de revendication ou d'engagement sur des sujets de notre quotidien matériel. L'âme est vouée à l'oubli si elle subit sa destinée, esclave de sa condition et de ses facultés apparentes elle devient la proie  de la Manipulation. Elle est comme le mouton qui suit le berger et qui a peur du loup, mais qui de toute façon finira à l'abattoir. En ce qui concerne les religions organisées, c'est autant leur hypocrisie qui est exaspérante que l'incrédulité de leurs adeptes. Les dogmes établis sont une barrière à la liberté et la libre évolution de nos âmes. Si cette dernière est libre et authentique, alors le chemin vers la Connaissance de la Loi et de l'Ordre de ce qui Est est possible et se révèle.

Alors qu'une période il y a quelque temps faisait tout pour séparer le BLACK du METAL, on sent clairement à travers les compositions du CD que NECROCULT est attaché au metal dans son intégralité en incluant des parties black et death mais aussi plus thrash et traditionnel. Horreur et malédiction, NECROCULT serait-il donc uniquement composé de gros fans de metal et pas de gars moches et frustrés qui assassinent des chatons en les empalant sur des clous rouillés en invoquant un mec à pattes de bouc ?!

NECROCULT est composé de fans de Métal effectivement et c’est ce primitivisme qui se dégage de nos compos, car c’est ça le bon métal, de la sauvagerie. On n’abordera pas le sujet du néo-core et autres dérives ici.

Six titres qui courent de 5'30 à plus de 10 minutes doivent être de sacrés marathons à parcourir sur scène d'autant que ça tabasse sec presque tout le long. Composez-vous néanmoins en vue de la retranscription live ou donnez-vous libre cours à votre inspiration pour une homogénéité de disque ? Comment la composition se déroule-t-elle d'ailleurs ?

Effectivement nos titres ont toujours été plutôt longs. En live, sur nos sets sont du coup composés de peu de morceaux, 5 ou 6 maximum, car on a rarement l'occasion de jouer plus de 45 minutes. En ce qui concerne notre processus de composition, les seules règles en vigueur sont les suivantes : pas de compromis sur les riffs - chaque riff doit faire l'unanimité - et pas de limite sur la durée. Il est évident qu'on doit pouvoir jouer tous nos morceaux en live. En général on établi une première ébauche guitare / basse avec quelques riffs qu'on enrichit très tôt avec la batterie. Chacun amène ses idées dans la composition. Le morceau se construit petit à petit comme un périple sans jamais savoir jusqu'où il va nous mener. On peut mettre 6 mois à composer un morceau. En parallèle Manu pose les bases des textes. C'est cette manière de composer qui créée une cohérence entre nos titres.

Ici on aime tout savoir, qu'en est-il de la couverture de ce CD, qu'est-elle sensée représenter ? Qui est vraiment celui qui recevra « le royaume, la puissance et la gloire » ? Sûrement pas un homme cloué sur une croix, mais plutôt l'Adversaire, celui pour qui le Paradis est interdit, celui qui pense par lui-même et rejette dogmes et lois ? Sans oublier l'Ordre ?

Pour cette couverture, on a fait appel à Clément, un ami graphiste (Laskom.fr), avec pour seule consigne que la page de départ devait être blanche. Après de longues itérations, on est arrivé à cette pochette dont le sens ne t'aura pas échappé. On est très fiers de ce résultat. Chaque détail a son importance. Cette pochette est une représentation des thèmes abordés dans nos textes, c'est ce travail que nous attendions d'une personne extérieure. Maintenant à qui appartient le royaume, la puissance et la gloire ? Le titre aurait pu être « For MINE is The Kingdom, and the Power, and the Glory » !

Merci d'avoir pris le temps de répondre à mes questions, les derniers mots sont pour vous, profitez de l'espace !!

Nous sommes à la recherche de dates pour faire tourner ce nouvel album ! Pour tout contact : loran@necrocult.com. Merci à toi pour ce soutien et à celui que tu portes à la scène depuis si longtemps !

1 voir NECROCULT [Fra] S/t (Snakebite Prods) 2003.

2 voir NECROCULT [Fra] For thine is the Kingdom and the Power and the Glory Promo (Autoprod) 2013.

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