30
Déc
2015

[Publié à l'origine dans Le Tafeur N° 63]

The only way to feel the noise is when it’s good and loud !!!

Confortablement installé dans un fauteuil club de qualité, un journaliste se demande encore OÙ.

OÙ donc, dans quel tiroir il pourrait bien glisser le logothique MOTÖRHEAD. Car enfin, la simplicité efficace du rock’n’roll, la sauvagerie punk d’un MC5, les cheveux longs et les mélodies des hardos, la menace du brutal speed heavy metal, il y a tout ça dans les albums de la Tête de Moteur. Pour faire plus simple et bien entendu pour faire chier les marchands d’étiquettes, c’est le premier que le chanteur bassiste choisissait à l’entame des concerts : « We are MOTÖRHEAD, and we play rock’n’roll ! », enfin, quand ce n’était pas avec le préambule moins diplomate « We don’t care for fucking heavy metal ».

A priori de toute façon Ian Fraser Kilmister n’était pas parti pour faire les choses comme les autres. Après avoir été roadie pour l’Experience de Jimi Hendrix et guitariste dans une ribambelle de groupes dont plus grand monde ne se soucie aujourd’hui (THE RAINMAKERS, THE MOTOWN SECT, THE ROCKIN’ VICKERS, Sam Gopal, OPAL BUTTERFLY…) c’est avec les perchés d’HAWKWIND qu’il se fait connaître sur cinq albums. Et c’est le dernier morceau écrit par Lemmy pour eux, Motörhead, qui baptisera son nouveau groupe après de légers soucis de transport de drogues à la frontière canadienne qui lui indiquent à la fois la porte de sortie du groupe et la porte d’entrée de la cellule. Au passage, son nouveau groupe devait s’appeler BASTARDS mais c’était mal barré pour décrocher des dates et le succès, comme le nota aussi le compatriote SON OF A BITCH en se transformant en SAXON.


Revenons à nos cachetons, les débuts de MOTÖRHEAD ne sont pas simples avec un line-up qui quitte rapido le navire après l’enregistrement d’un album qui ne sortira opportunément que des années plus tard quand on raclera une première fois (avant des milliers d’autres) les tiroirs pour faire du pognon sur le dos du groupe. Mais de ces démêlées naissent un trio légendaire : Lemmy à la basse et au chant, « Philthy Animal » Taylor à la batteuse et « Fast » Eddie Clarke à la gratte. Après un album éponyme honnête en 1977 (Motörhead) qui attire par sa rugosité le respect des punks et l’adulation des hardos, MOTÖRHEAD, désormais signé chez Bronze Records, va asséner une trilogie d’albums pratiquement tous monstrueux (Overkill / Bomber / Ace of spades) couronnée par un live intemporel : No sleep ’til Hammersmith (1981).

Ensuite, certaines dissensions d’ordre musical brouillent les pistes, Iron fist n’est déjà plus du même tonneau et Clarke quitte le groupe pour FASTWAY (encore une horde un peu trop vite oubliée), laissant sa place au pistoléro de THIN LIZZY, Brian Robertson. MOTÖRHEAD accouche de l’excellent Another perfect day mais les personnalités diamétralement opposées Lemmy / Robertson provoquent un nouveau split, MOTÖRHEAD devient quatuor avec l’arrivée des six-cordistes Würzel et Phil Campbell. Il ne manquait, avec le départ temporaire de « Philthy », que des problèmes avec le label, pas cool le Bronze quand une injonction interdit à MOTÖRHEAD de sortir un disque jusqu’en 1986…

Orgasmatron pointe son nez et la déception n’est pas loin, Rock’n’roll ne fera pas mieux et la traversée du désert commence. Car bien qu’ils comportent tous deux-trois sacrés morceaux, les 1916, March ör die ou Bastards n’apportent pas grand chose au schmilblick dans un monde où le thrash et le death sont déjà dépassés. MOTÖRHEAD ne fait plus peur à grand monde. Enfin… Jusqu’en 1995 et Sacrifice… L’album qui présente un Mikkey Dee (le batteur de KING DIAMOND qui remplaça l’instable Philthy en 1992) exceptionnel et des morceaux tonitruants remet le groupe sur une route - souvent très métallique malgré les grognements de Lem' à ce sujet - qu’il ne quittera quasiment plus jusqu’à la fin, le groupe repasse d’ailleurs à la formule trio quand Würzel (R. I. P.) se taille.

 

Snake bite love, We Are Motörhead, Hammered, Inferno, Kiss of Death, Motörizer, The wörld is yours, Aftershock et Bad magic, le dernier, pour les quarante ans du groupe, en ont sous le pied, des fois plus, des fois moins, mais les tournées qui s’enchaînent ne rigolent jamais, d’ailleurs tous ceux qui ont vu MOTÖRHEAD en ont encore les oreilles qui sifflent ! Mais un jour, après plusieurs tournées chaotiques ou écourtées, Nietzsche avait raison, Dieu a fini par mourir deux jours après avoir soufflé ses soixante-dix bouqies. Le plus génial de tous les Capricorne de la planète s’en est allé le 28 death-embre. Et les hommages de crocodiles qui pleuvent doivent autant le faire marrer que ceux qui encensaient Charlie Hebdo il y a bientôt un an.

Collectionneur de souvenirs de la seconde guerre mondiale qui feront polémiquer ceux qui n’ont que ça à foutre (« si l’armée israélienne avait eu de beaux uniformes, je les aurais collectionnés, mais ce n’est pas le cas »), spécialiste des réponses sarcastiques et lapidaires aux questions tièdes (« Le secret de la vie ? C’est de ne pas mourir »), Lemmy était un mec sensible et droit dans ses bottes, doté d’un humour cruel qui fait toujours marrer et d’une franchise désarmante, ainsi que d’une bonne proportion de mauvaise foi. Son respect absolu des fans et sa fidélité en amitié sont des exemples que ne suivent pas souvent les apprentis musiciens. Lemmy lui n’a pas souvent refusé de partager la scène avec ceux de ses potes qui le demandaient (on pense à ces concerts de dingues qui l’on uni à METALLICA, THE DAMNED, les RAMONES, TWISTED SISTER ou Slash) ou d’apparaître sur leurs disques (ses copines Doro, Lita, Joan, GIRLSCHOOL en témoignent) il s’est même fait un sacré plaisir en formant THE HEAD CAT avec Slim Jim Phantom et Danny B. Harvey, et cela s’entend sur les disques formidables qui sortirent, essaie donc Walk the Walk...Talk the Talk par exemple.

Si l’envie vous prend d’en entendre et d’en lire un peu plus sur Lemmy, ne nous contentons pas du seul film de Wes Orshoski et Gregg Oliver(voir Lemmy de Greg Olliver et Wes Orshoski (avec Lemmy, forcément, et plein d'autres chevelus...) 2010), ou de la fabuleuse autobiographie du monsieur White line fever, essayez aussi le bouquin de Jean-Pierre Sabouret, We are (all) MOTÖRHEAD qui vaut le détour (voir MOTÖRHEAD [Uk] : des riffs et des pages !!).

Post-scriptum : un jeune mec attend sur les marches du Rockstore, on se gèle les couilles en ce 29 janvier 1997. Le concert s’est terminé, et par un miracle à ce jour jamais compris, le jeune mec a rencontré Lemmy dans les loges, a bredouillé quelques mots, s’est fait prendre en photo avec par un inconnu sans (pouvoir) le demander. Le voir partir étant une nécessité, un dernier au revoir s’imposant, le jeune mec attend devant le Rockstore. Et il fait bien car quand Lem' descend pour prendre son taxi, le chauffeur ne parlant pas anglais veut lui faire écraser sa clope dehors avant qu’il ne monte. Quand le jeune mec fait la traduction, Lem' sort son sourire carnassier, s’asseoit dans la caisse, baisse la vitre et la voiture s’en va, laissant à sa place une bouffée de fumée qu’un Cromwell aurait dessinée en forme de tête de mort. Je n’ai jamais su ce que Lem' avait dit au chauffeur.

« Beware… I’m MOTÖRHEAD and I’m gonna kick your ass » ?

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