14
Jan
2021

Avec ce tunnel qui a été construit autour de nous comme celui qui mène le cochon d’Inde à sa pitance,

avec cette urgence de resserrer le collimateur autour de ses proches immédiats, avec cette distance qui s'est imposée et cette obligation tout à fait merdique de correspondre avec les gens via les réseaux sociaux ou un téléphone que j'ai toujours détesté, je commence à me demander si tout ce qui s'est passé avant l'épidémie fait vraiment partie du domaine de la réalité.

Es-tu vraiment parti ? Ne dois-je pas t'envoyer un message pour te souhaiter ton anniversaire sachant déjà le sourire que tu feras en le recevant, te disant que tu enverras le même demain comme chaque année nous le faisions, alors que les rencontres s’était espacées à ma grande tristesse depuis déjà longtemps, me donnant le besoin à chacune d'entre elles de détailler ton physique et de voir si la rémission pointait enfin son nez ou si au contraire des rides nouvelles s’était imprimées sur ton éternel front soucieux, si des cheveux s'étaient taillés, si tes yeux avaient perdu de leur couleur…

Mais non, tu restais le même, peut-être un peu plus affaibli et encore plus rêveur que d'habitude, du coup je ne sais pas si tu es parti, je ne sais pas si ce n’est pas moi qui suis parti au fond, je t'ai déjà écrit mais je ressens le besoin de t'écrire encore aujourd'hui, un pan de mon monde s'est écroulé quand tu es parti, quand tous les autres copains sont partis, quand tant de vies ont été fauchées, enfin je crois, puisque c'était AVANT…

Le vent continue de souffler et de cingler ma gueule quand j'amène, en m’appuyant sur ma canne, la petite à l'école de son nouveau village (étape éreintante des DIABLES hein ?), elle qui t'a si peu connu mais qui connaît pourtant ce prénom étrange qui lui dit toujours quelque chose…

Fredosz mon ami, je ne sais pas si tu es parti, mais en moins tu es resté.

Dieu n’est rien, JE te garde.

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