Mais alors complètement.
Quand, attrapée par l'humain et, certes gentiment, déposée sur les armatures de ses apprentis pieds de tomates en tant que nouveau gardien anti-pucerons de la plantation, Coccinouille se demande bien pourquoi elle devrait s’acquitter de la corvée.
Alors comme ça, une coccinelle devrait bouffer ces vertes mini-vaches et se laisser imposer la mission. Et pourquoi pas, « en rouge et noir » pour citer au passage l'inestimable poétesse, simplement voyager le court temps qu’il lui reste à vivre ? Car enfin, Coccinouille n'est pas programmée pour une existence de dix siècles et n'a peut-être pas que ça à foutre que de travailler pour la communauté ! Que celle-ci aille même se faire cuire un bœuf tiens, chacun devrait avoir le droit de faire ce qu'il veut, et que La Fontaine et ses morales de vieux papa coincé du derche aillent ensemble voir ailleurs si on y est, non mais !
Donc, comme tous les glandus en train de brûler vifs sur la plage d'en face, Coccinouille a soudain décidé de prendre des vacances. Après tout, personne ne verse de récompense pour tout ce labeur effectué par les insectes. Ni remords, ni regrets, liberté ! Mais avant de décoller de cette petite tige de métal encadrant la plante en plein effort de croissance, Coccinouille pousse une gueulante en direction de l'homme qui a l'air si con quand il observe le manège des petites bêtes du bout du pif :
« - Eh toi là, ça te les râpe pas des masses d'aller bosser pour la société comme une machine à la noix pendant qu’y en a des qui engrangent sans rien fout’ ?
- Ah ben flûte, j’pense que j'ai beaucoup trop descendu eud pinard, voilà qu’je jacte avec un coléoptère ! Mais pour répondre à ta question, moi, c'est bien connu, j’travaille pas, j'écris !
- Ben va donc hé feignasse, j’passe devant ! »
Bonus :
Requiem pour le 24, avenue du Pont…
À chaque coup de godet, la pelle mécanique emporte des heures de travail vers la déchetterie, chaque corps de métier sera représenté au cimetière de la construction : des maçons aux charpentiers en passant par les couvreurs, les plombiers, les électriciens, les tapissiers, les carreleurs et on en passe…
Même le savoir-faire des anciens ne peut résister à la puissance des chenilles de l'engin, mais c'est surtout l'homme qui pilote qui est impressionnant de précision, d'autant qu'il faut laisser passer les voitures qui ne s'arrêtent pas de circuler (mais au fait ils sortent d’où tous ces gens ?), sans parler des vélos et les accoutrements ridicules qui vont avec, et les piétons qui s’attardent (pourtant y a pas d'accident).
Il faut ensuite changer d'embout, de la pelle dentée on passe à la pince, et, prudent et minutieux - on n'a pas laissé le travail à n'importe qui - l’ouvrier doit solidement relier l’outil au bras herculéen qui met à jour les entrailles de la vieille bicoque. L’ogre tire les poutres comme d'autres une bûchette de mikado… Et dire que le bois n'était à l'époque pas traité ni rien !
Quelques hirondelles en panique viennent tenter de sauver des nids sur la façade opposée mais le monstre de fer dévorera tout ce petit morceau de village, le progrès a de l’appétit !
[Galerie photos : https://www.nawakulture.fr/photos-diverses?2021-06-07-requiem-au-22-avenue-du-pont-a-cessenon-sur-orb]
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