Cher Bédarieux,
toi qui m'a presque élevé de 1980 jusqu'à la fin des années 1990 au moins, toi qui m'a accordé ton Tremplin afin que je puisse gagner quatre ronds et pouvoir m'acheter ma première batterie (madame et monsieur Delgado, pardon !), toi pour qui j'ai occupé des scènes et fait du bruit avec plusieurs de mes groupes en compagnie des vénérables BDX, toi pour qui je me suis toujours engagé dans le milieu scolaire (par exemple à l'aide aux devoirs) ou culturel (quand j'ai organisé pour toi en catimini la fête de la musique pendant ces années folles où le volant n'avait plus de main pour tourner), toi pour qui j'ai voulu partager mes goûts fantasques en bossant à la Médiathèque et en surprenant les lecteurs avec une certaine connaissance de la littérature et de la musique subversives, Cher Bedarieux, tu m'énerves.
À l'instar de tout un tas de villes qui semblent vouloir oublier leur passé, tu envisages régulièrement de mettre des coups de tronçonneuse à des arbres pluricentenaires pour arriver au bout de nouveaux projets urbano-architecturaux, je me sens donc obligé de dégainer ma plume pour te rappeler tous les moments que j'ai passés place Pasteur lors des tremplins rock des années où celui-ci était encore représenté intra-muros, lors de ces petits moments où on essayait, sans aucun succès bien sûr, de prendre la main et le regard d'une jolie fille sous ces platanes qu’aujourd'hui tu veux couper. C'est sûrement moins poétique de recevoir sur la tête les déjections des habitants de ces grands immeubles à feuilles mais pourtant elle est là la beauté de ces petites villes, dans leurs recoins secrets où l'on a passé une si grande partie de sa vie.
Quand je lis que seules une vingtaine de personnes étaient présentes pour protéger ces grandes plantes qui m'ont offert mes plus belles allergies, je suis outré que l'on considère une fois de plus les arbres comme un meuble urbain que l'on peut jeter au rebut sans le moindre remord dès qu'un projet sort de la tête d'un grand créateur, si éphémère par rapport à la longévité d'un platane. Je viendrai moi aussi manifester ma colère car j'en ai le droit, j'ai autant fait vivre cette ville qu’elle m'a permis de le faire et, sans ses arbres, elle aurait sûrement eu beaucoup moins de charme (sans jeu de mots). C’est ma jeunesse que vous débitez, et malgré bien des déboires, ces tranches de vie sont à moi et je ne me laisserai pas détrousser sans réagir. Qui n'a pas été content un jour d'entrer dans ce petit parc se mettre à l'ombre ?
Cher Bedarieux, ne va pas plus loin dans ce projet absurde (euh l’évolution du climat vers le chaud, ça dit quelque chose à quelqu’un ?), je dirais même plus : laisse béton.
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