InterviewsLes propos des interviewés n'engagent que leurs auteurs.
01
Jui
2013

[Publié à l'origine dans Abus Dangereux N° 127]

 

Géant Vert, fondateur de PARABELLUM et journaliste chez Rock & Folk gratifie les fans de punk rock d'un recueil de textes (évoqué par Silvère dans le numéro précédent ou ici : Blitzkrieg - Histoire du punk en 45 tours de Géant Vert (Hoëbeke - 2012)), qui présente à vos oreilles et à vos yeux ébahis 80 singles légendaires - ou pas - en même temps qu'une époque unique dans l'histoire de la musique, la charnière 1976-1979. C'est dans un bar parisien que le dictaphone subit les assauts de deux étranges doubles-mètres à la recherche des frasques sonores d'antan...

 Comment ce projet de livre est-il né ? 

L'idée me trottait dans la tête quand il y a deux ans Philippe Manoeuvre m'a proposé de faire un bouquin formaté pour une collection qu'il dirigeait et qui consisterait à faire des fiches techniques sur des groupes et des disques. J'ai tout de même fait Blitzkrieg à ma façon, c'est-à-dire non pas seulement un catalogue de groupes avec des fiches techniques qui se serait lu en vingt minutes avant de finir sur une étagère ou en solde. Je me suis dit que j'allais relier les 80 fiches pour raconter une histoire. Je pense que je ne me suis pas trop planté puisque l'on peut lire les articles indépendamment ou suivre le fil rouge tout le long du livre. C'était aussi pour moi l'occasion de raconter une époque à des années-lumière de la notre, quand on voulait quelque chose, il fallait vraiment la mériter parce que ce n'était pas facile, l'éducation était différente, tout était différent, il n'y avait pas d'internet, quand on cherchait une information on mettait parfois des semaines, des mois, des années avant de l'obtenir, une sorte de quête initiatique permanente. Quand je lisais les journaux de l'époque (Rock & folk, Best, Rock'n'roll Music, Rock News…), depuis le début des années 70, le rock c'était toujours mieux ailleurs. Alors dès que j'ai eu l'occasion, je suis allé voir ailleurs pour vérifier si la vie était plus rose en Angleterre. Mais ça s'est révélé beaucoup plus gris (rires), c'était même épouvantable ! La première fois que je suis allé en Angleterre, j'étais content de revenir parce qu'en dehors des concerts, de la musique et des magasins, tout avait l'air de s'écrouler ! J'étais épouvanté par le marasme dans lequel vivaient les jeunes anglais. J'étais dans une banlieue ouvrière et j'ai vite découvert ce qui se cachait derrière les concepts de « classe sociale », de « lutte des classes », là-bas les prolos, c'étaient vraiment des prolos !

Comment as-tu choisi les disques ? Pourquoi 80 ? Un mot sur le titre ?

80, c'est le choix que l'on m'a imposé, sachant qu'en plus il fallait garder un rythme et mon fameux fil rouge pour qu'il soit attractif pour le lecteur, qu'il puisse voir l'histoire du groupe, d'où il venait et où il est arrivé. Le bouquin est chronologique sauf que les deux premiers singles, PERE UBU et les RAMONES, sont intervertis. Il était convenu que le bouquin prendrait le nom du premier 45 tours, mais avec PERE UBU je me serais retrouvé avec un titre comme Solution Finale. Déjà que je trouve Blitzkrieg offensif (rires)…!

Il y a un fil rouge autre que chronologique, parallèle et intéressant : celui qui relie des gens qui ont joué dans plusieurs groupes successifs et que l'on suit au fur et à mesure…

Oui les DAMNED ou le CLASH ne sont pas des groupes spontanés, il y a eu beaucoup d'essais avec les uns et les autres et l'on s'aperçoit qu'un noyau de quelques dizaines de personnes ont tous joué ensemble à un moment ou à un autre. On voit par exemple Chrissie Hynde partout et ce bien avant les PRETENDERS, elle mérite le respect pour cette vie extrêmement aventureuse. J'ai voulu rendre hommage à la volonté de toutes ces personnes qui en ont pris souvent plein la gueule mais qui sont pour la plupart toujours là.

Le cas Plastic Bertrand va évidemment faire parler de lui, quel choix malicieux quand on y pense non ? En tout cas on n'attendait pas à celui-là au milieu des autres !

L'idée ne vient pas de moi on m'a demandé de mettre 10% de groupes francophones et quand Manoeuvre a parlé de Plastic Bertrand, je connaissais un peu l'histoire et je me suis dit qu'il y a une chose qu'il faut reconnaître, les mecs de ELTON MOTELLO étaient en contact avec les DAMNED, la Belgique était un pays en avance sur le France au niveau du punk. On ignore souvent que Deprijk a étudié les albums des PISTOLS, est allé en Angleterre ! Et la version Jet boy, jet girl a eu un succès fou en Angleterre et aux States en particulier parce que c'est un des morceaux les plus trash jamais enregistrés. C'est l'histoire d'un ado homo qui sort avec un adulte et cet adulte le largue… Bien sûr « ça plane pour moi » sera moins trash mais c'est la même personne qui l'a écrite et elle a été faite en même temps avec les mêmes mecs. Le morceau est d'ailleurs, entre autres par son ironie, très respecté chez les anglo-saxons. C'est un bon morceau avec un esprit, c'est bien fait. 

Parlons du cas SKREWDRIVER qui n'a pas fini de faire parler également !

Dans les premières années SKREWDRIVER est franchement punk, ils sont très fans de Little Bob et du label Chiswick, Ian Stuart Donaldson était avant tout un fan absolu de Mick Jagger et des ROLLING STONES, il jouait même dans un groupe de covers, TUMBLING DICE

Un groupe que tu aurais voulu inclure ? 

Les RED ROCKERS, un groupe tellement à la STIFF LITTLE FINGERS que le batteur de ces derniers finira par le rejoindre aux Etats-Unis. Bien sûr à partir de ce moment-là ils se mettent à faire de la merde (rires). Ils ont tout de même écrit Guns of Revolution qui était une putain de chanson, on trouve aussi sur le premier album leur version du Folsom prison blues de Johnny Cash.

Un souhait pour ce livre ? 

J'espère que sa lecture va faire du bien aux gens, qu'ils vont passer un bon moment en lisant cette sorte de tranche de vie au travers de sa musique, cette période marquante mais qui n'était pas forcément exceptionnelle, qu'ils vont comprendre qu'il y avait des raisons pour se conduire comme ça, que ce n'était pas gratuit et surtout que c'était marrant. Il y avait énormément d'humour. Au début des PISTOLS, c'était la galère, la galère et encore la galère mais il y avait au moins un éclat de rire dans la journée !

© GED Ω - 27/07 2014

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