InterviewsLes propos des interviewés n'engagent que leurs auteurs.
01
Nov
2014

[Publié à l'origine dans Le Petit Agenda Aude-Biterrois de novembre 2014]

Juste avant son dernier concert au Café de la Poste de Narbonne le 27 septembre dernier, Mister Corbier veut bien répondre à quelques questions pour le Petit Agenda, alors hop c’est parti !

 

Pour une fois on se marre à lire la bio du monsieur, faite avec l’humour qui le caractérise et de sa main, loin des fiches presse pourries qu’envoient les labels et autres éditeurs, on croise même à la lecture d’icelle Victor HugoBrassens ou Paul Fort ! On voudrait bien savoir ce qui a fait qu’en 1960, Corbier empoigne une guitare qu’il n’a jamais lâchée jusqu’ici... 

 

En fait je m’emmerdais et il y avait une guitare à la maison, mon frangin était parti faire son service militaire et je me suis mis à écrire des chansons comme celles que j’entendais à la radio. Enfin, en tous cas, je croyais faire ça... 

 

Et d’un coup, bien après, "faire tout pour rester inconnu" se révèle impossible… 

 

Oui c’est-à-dire qu’à un moment, j’écris des morceaux qui sont tout à fait zinzins, le cheminement logique pour rester inconnu. Si on fait des choses qui sont vendables, et qui peuvent rendre service aux marques, à ce moment-là on a des chances de devenir connu. Moi à l’époque je faisais ce qu’il ne fallait absolument pas faire… 

 

Etait-ce donc par dessein ? 

 

Non pas du tout, c’est juste que je ne savais pas comment faire autrement. Il me semble qu’un gamin de dix-huit ou vingt ans, quand il commence à écrire des chansons, ne se rend pas compte si ce qu’il fait est porteur ou pas. Et puis un jour quelqu’un vient le voir et lui dit qu’il aime bien et qu’il va le faire travailler, c’est miraculeux mais ça a été valable de tous temps, c’est comme ça. 

 

Du coup qu’est-ce que ça fait de se retrouver à la télé par hasard ou presque grâce à Jacqueline Joubert ? 

 

C’est tout à fait par hasard : je bossais dans un théâtre qui s’appelait le Caveau de la République (qui d’ailleurs vient de fermer il y a quelques mois) et le jour où Jacqueline Joubert est venue là saluer ses copains chansonniers, elle m’a vu faire mes âneries qui ce jour-là faisaient rire les parents et les enfants. Elle a fini par me dire que je l’intéressais, c’est un vrai coup de pot que de m’être retrouvé à la télé avec ce que je fais. 

 

Et ça doit faire quelque chose d’être soudain reconnu dans la rue… Non ? 

 

Oui c’est plutôt agréable, à partir du moment où tu es reconnu par tes pairs pour faire quelque chose, c’est bien. Ensuite tu t’aperçois que ce n’est pas forcément ce que les gens attendaient de toi mais tant qu’ils ne te foutent pas à la porte ça va. 

 

D’un coup quand vous arrêtez la télé vous vous retrouvez...sans toit… 

 

Oui, quelle histoire, beaucoup de gens ont cru que je me retrouvais sans domicile mais pas du tout, c’était "juste" mon toit qui s’était envolé pendant la fameuse tempête de 1999. J’étais d’ailleurs aussi sans salaire, mais pas sans revenus. De tout ça est née une idée fausse sur moi : "Oh Corbier il est à la rue" etc. C’est de ma faute, je m’étais sûrement mal exprimé, peut-être même qu’inconsciemment j’en ai joué. Heureusement, les choses sont revenus dans l’ordre au bout d’un moment. 

 

En dehors de cette carrière on va dire "enfantine"... 

 

[NDG : embraye direct] J’ai fait très peu de disques à ce moment en fait, j’ai dû faire quatre ou cinq quarante-cinq tours deux-titres. Après cette période, je suis revenu à des choses comme celles que je faisais avant. Enfin, encore une fois, c’est ce que je croyais mais mon esprit avait évolué depuis vers une chanson effectivement plus proche de Dylan ou de Brassens mais je ne m’en rendais pas compte. De toute façon je crois que l’on s’analyse toujours très mal. Et puis j’ai toujours vécu un peu à marge de ce métier parce que je ne le connais pas bien en fait. J’ai beau vivre dessus depuis des dizaines d’années, j’ai très peu de relations et je ne cours pas après, ce n’est pas que je les boude mais je suis un primaire, je ne sais pas bien me comporter en société… 

 

Depuis Carnet mondain, tous les albums sont auto-produits , "faits à la maison"... 

 

"Sculptés à la main, gravés au burin" (rires), et je les distribue moi-même, il suffit d’aller sur mon site www.françoiscorbier.com et d’acheter les disques dans la boutique. Comme j’ai décidé de ne pas faire de repressage, quand un album est épuisé, il est épuisé définitivement. 

 

Ce sont de toute façon des instantanés d’une époque... 

 

Oui et je suis très content et fier de ce que j’ai fait, ça m’amuse, mais je ne suis pas un commerçant, c’est pour faire plaisir aux gens qui m’aiment. 

 

Quels sont les sujets que vous aimez aborder dans vos chansons ? 

 

Y a pas de généralités, c’est toujours des choses qui me navrent dans ce que je peux lire dans la presse ou dans des bouquins, ou en entendant la radio, en regardant la télé, en discutant avec des amis ou des journalistes. On me raconte des trucs qui me choquent suffisamment pour que j’aie envie d’écrire quelque chose de rigolo, ou pas. Pour le prochain album j’écris une chanson sur mes cauchemars, même si je ne suis pas le "héros" du texte, et je raconte des choses auxquelles tout le monde devraient normalement être sensibles comme la disparition de l’eau, tellement de pollution qu’un jour on ne verra plus le soleil, ou ces gosses qui ont l’air bien, lisent la Bible et qui soudain déchirent la page et prennent un couteau, saignent leur voisin et quelquefois vont tuer leur père à l’étage. J’essaie de raconter le monde mais je le raconte peut-être d’une façon étrange pour le commun des autres. Je ne suis pas un philosophe ni un grand poète, simplement j’essaie d’être franc avec moi-même. 

 

Vous avez sorti plusieurs albums en public, ça démontre l’importance qu’a la scène pour vous, vous l’arpentez souvent... 

 

Oui c’est mon élément principal, je suis plus à l’aise sur scène que dans un studio, on peut dire une ânerie aux gens, ils savent et peuvent voir que c’est une ânerie mais lorsqu’on fait un disque studio, il n’y pas ce niveau de lecture, les gens peuvent même se poser des questions sur ma santé mentale (rires). 

 

Quels souvenirs allez-vous garder de ces quatre dates à Narbonne ? 

 

Hé bien une crise de goutte en arrivant (rires), ça fait quatre jours que j’ai très mal. Mais j’ai aussi rencontré plein de gens sympathiques, j’ai été reçu remarquablement par les patrons du Café de la Poste, je suis très content, c’est mon deuxième passage dans cette ville et pour une fois il n’y a pas de vent. La première fois où je suis venu, je ne pouvais même pas me balader le long du canal, on décollait, c’était terrible ! 

 

C’est assez amusant de noter le nombre de fans que vous avez dans le milieu punk et metal ! Vous vous êtes retrouvés sur des festivals avec des groupes de cintrés complets ! 

 

Oui, GRONIBARDULTRA VOMIT… Quand ils me disent "viens m’écouter", je leur dis non, je veux garder mes oreilles ! Je n’ai rien contre personne, chacun mène sa vie comme il l’entend mais bon ça non, jamais ! (rires) 

 

Un parallèle que je trouve avec Villon, ce côté "on verra quand on sera mort", carpe idem etc. C’était un mec finalement assez punk, puisqu’il a vécu en étoile filante, personnifiant par là-même le No future des keupons, quel futur pour Corbier ? 

 

Mon futur (NDG : pointant le sol) ce sera là-dessous, on n’a pas de futur, on vit au jour le jour, si on commence à se projeter dans le temps... Surtout qu’aujourd’hui j’ai soixante-dix ans, je ne pense pas que ce futur sera très glorieux, j’ai des soucis de santé, c’est pas rigolo, mais c’est comme ça. 

 

Quid du prochain album ? 

 

Alors il y aura ce fameux Cauchemar de François Corbier, mais sur scène je chante aussi six ou sept chansons à paraître sur cet album dont une qui s’appelle Bécassine, avec laquelle je réponds à des gens bêtes qui ont commencé à raconter que j’avais chanté des chansons de Chantal Goya alors qu’ils voulaient sûrement faire référence à Dorothée, ce qui n’a aucun rapport. Une autre chanson s’appelleLes Enfants des génies qui meurent jeunes ou sont idiots, j’ai lu pas mal de choses à ce sujet, il suffit de se renseigner sur la fille de Victor Hugo, les enfants de Pasteur, le fils de Verlaine, la descendance de Mozart constellées de morts-nés et de deux fonctionnaires (rires), je me suis dit que ce serait intéressant de parler de ça et de rigoler un petit peu en sourdine Mais il y aura aussi un peu plus de chansons sérieuses, je commence à devenir vieux, j’ai envie d’être plus franc et de dire les choses quelquefois sans rigoler. L’album sortira à la fin de cette année, si ce n’est pas possible dans les premières semaines de 2015. 

 

[Interview effectuée dans les murs du Café de la Poste à Narbonne - 11 ==> http://cafedelapostenarbonne.fr/]

 

Photo © Benoît Derrier

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