InterviewsLes propos des interviewés n'engagent que leurs auteurs.
16
Nov
2014

[Publié à l'origine dans Le Tafeur N° 53]

Depuis son arrivée dans le milieu bouillonnant de l'art montpelliérain, Nils Bertho multiplie les actions avec ouverture de la galerie Le Mat, participations à d'innombrables événements et fanzines - dont le sien, Rifuel Fanglant - c'est pourquoi nous nous devions d'aller à sa rencontre d'autant qu'il est membre d'un groupe, le très destroy ADOLF HIBOU qui a déjà fait un passage à la Secret Place. Punk-art-core !

Peux-tu nous retracer ton parcours artistique jusqu'à ton arrivée sur Montpellier, qu'ont donc bien pu faire les Beaux-Arts pour fabriquer un tel monstre ?

Je dessine depuis que je peux tenir un crayon, j'ai jamaisarrêté depuis. On m'a menti petit en me disant que les Beaux Arts c'était une super école de dessin... Bon c'est tout sauf une école de dessin mais bon j'me suis retrouvé là et ce fut quand même bien drôle, j'ai pu toucher un peu à tout et m'intéresser à pas mal de choses et c'est ce qui a influencé mon trait, l'a libéré (violons).Donc après un mémoire sur le mauvais goût dans l'art contemporain et un diplôme master d'alcoolisme en poche, j'ai cherché à rentrer en contact avec les artistes que j'aime, j'ai eu mes premières publications dans des magazines, bouquins de dessin et j'ai exposé en France et aux alentours à travers des galeries pour finalement ouvrir mon propre lieu à Montpellier: LE MAT, avec Marjorie Accarier. J'y suis depuis 1 an et ça me plait pas mal.

 

D'où t'es venu l'idée - et le moyen ? - de créer la galerie Le Mat ? D'ailleurs pourquoi ce nom ? Comment gères-tu le lieu d'autant que tu organises sans arrêt de nouveaux évènements tout en conciliant ton travail d'artiste ?

L'idée de départ est simple, on avait ce lieu, on a décidé de s'y exposer avec les potes, on y a donc bossé une semaine pour préparer la soirée vernissage, on a entièrement investi le lieu, le soir on faisait la fête dedans et on s'y remettait le lendemain. Le jour J on a halluciné de voir tout le monde que ça ramenait, on a décidé d'en faire une nouvelle six mois plus tard, même succès, encore plus d'amateurs d'art dégénéré, donc à partir de là on a vraiment transformé le lieu pour en faire une galerie-concert à plein temps et c'est devenu LE MAT, en référence à la carte de tarot divinatoire, la carte sans numéro, symbole d'émancipation, de liberté, une manière de se donner une bonne étoile dans ce projet.
Cela fait un an qu'on a ouvert, la formule: expo, boutique, vidéo-projections, concerts. On fait pas mal d'événements, ça demande pas mal d'énergie mais c'est le prix à payer pour vivre de ce que l'on aime. Les amateurs de rock, d'illustration, de bd, de figuration libre et d'art brut devraient venir jeter un petit coup d'oeil!

Tu es un artiste difficile à cerner vu le nombre d'influences qui se télescopent à travers ton travail, il suffit de le découvrir sur les murs des galeries, dans des zines ou même sur ton site internet… Quelles sont tes techniques de prédilection ? Tes outils préférés ? Il semble que tu ne te sois posé aucune limite ?

J'arrive pas à tenir en place graphiquement, quand je passe des dizaines d'heures au rotring sur un grand format tout en détail, j'aime bien ensuite pouvoir prendre un gros feutre dégueu et péter un câble sur un bout de carton (j'ai des valises blindées de feutres en tout genre pour ça!), c'est pas la même démarche c'est sûr mais parfois le résultat est plus sincère, des dessins "accident", moins maîtrisés, j'aime bien ensuite pouvoir les exposer au même niveau, sans hiérarchie. Y'a à mon sens un vrai parti pris de faire du dessin instinctif et naïf, dessin d'enfant, c'est pas seulement du gribouillage foutage de gueule pour ceux qui ne savent pas dessiner. Pour faire ça c'est bien d'avoir de la technique au préalable, c'est pour ça que les deux styles sont complémentaires pour moi, trait maitrisé, trait anguleux ou relâché on s'en fout, le dessin alternatif c'est ça, se permettre une liberté graphique totale, sans limite. Dans mon travail on peut voir souvent des séries différentes, c'est souvent porté par le plaisir de toujours surprendre, ce qui est un gros défi.

 

En vieux briscard on prend plaisir à constater l'existence du zine papier Rifuel Fanglant et même de la galerie vu qu'aujourd'hui on fonce droit dans le mur du numérique, du volatile et de l'impalpable, la matière a donc encore de la valeur aux yeux de certains ! Où en es-tu avec la génération internet ? A-t-elle freiné / accéléré / compliqué / modifié l'évolution de l'art ?

Je trouve que quand on voit son travail publié sur papier, on en est fier, il faut en faire l'expérience, je ne crois pas en une génération exclusivement numérique, elle conduit à la solitude, même si c'est clair que la génération internet a apporté à l'évolution de l'art, PAPER WILL NEVER DIE ! Rifuel Fanglant 3 sort début 2014 !

Un dessin animé ? Quelques mots à ce sujet ?

"Cactus Boy" un dessin animé que je réalise avec Vincent Brossard et ses potes sortis de l'école d'animation Supinfocom, ça pourrait presque être un dessin animé pour enfant si seulement y'avait pas quelques bites qui trainaient par ci par là ; mais sinon voir ses dessins en 3D c'est marrant, j'ai hâte de voir le résultat, il sort en février et on cherche des lieux pour le montrer d'ailleurs!

 

Qui est donc ce bien provocant ADOLF HIBOU ? Que vient-il raconter ? Celui-ci dit-il aussi "Désolé" comme un autre né de tes mains ? Ou vient-il faire pire ?

On a trouvé le nom même avant d'écrire nos compos on savait déjà qu'on allait avoir un nom à la con qui reflète un peu notre humour à la con à tout les trois. 3 voix, une guitare, une batterie, parmi nos référence y'a LIGHTNING BOLT, SUN CITY GIRLS ou THE MAKE UP, ADOLF HIBOU c'est un mélange de générique de Club Dorothée et de noise bien venere, un trio de boy's band bourrin tout fraichement formé et qui va faire du bruit et celui-ci ne s'excuse pas.

Photo © AC Eriau