InterviewsLes propos des interviewés n'engagent que leurs auteurs.
22
Nov
2013

Vingt-trois ans et toutes ses dents, sacrément incisives avec ça si on écoute le petit dernier.

Vingt ans après la première démo, pensiez-vous à l'époque durer aussi longtemps quand vous avez débuté ? Contrairement à la plupart des groupes vous n'avez pas subi des tonnes de changements de line-up, c'est donc qu'une bonne partie du groupe est en osmose depuis le début pour dispenser le grindcore le plus fou. Mais avec les années cela ne commence-t-il pas à être plus dur de blaster sans arrêt ? Quelle est le carburant du tank INHUMATE ? L'actualité joue-t-elle un rôle dans l'incendie permanent INHUMATE ?

La réponse à la première question est bien évidemment non. Je pense qu’il est quasi-impossible pour un groupe de se projeter 20 ans plus tard, les facteurs qui permettent une telle longévité sont tellement nombreux et incontrôlables que ce serait vraiment très présomptueux d’affirmer avoir anticipé cela ! Et oui, les choses sont liées, ainsi que tu le sous-entends dans ta question. La longévité est, entre autres, liée à l’osmose entre les membres du groupe. Alors qu’est-ce qui a créé cette union ? Eh bien, pas tant que cela pourrait se croire, l’aspect « on est des potes d’enfance, bla bla bla.. », mais plutôt une convergence de points de vue. Nous regardons tous dans la même direction pour ce qui concerne INHUMATE. Le temps a permis à chacun de trouver « sa » raison propre de faire vivre l’entité INHUMATE et c’est la somme de ces raisons, dans le respect absolu de chacun, qui est le carburant du tank INHUMATE. Il n’y a pas de leader, pas de chef, pas de tête pensante dans INHUMATE. Chacun est membre du groupe à hauteur de 25% et cette cohésion ajoutée à la perspective commune génère ce que nous sommes en tant que groupe. A cela, et pour répondre complètement à ta question, il faut ajouter un élément : l’heptalogie. C’est elle, et bien elle, qui fait que nous avons un objectif commun. Sans rentrer trop dans les détails, tu sais qu’elle relate une forme de vie, celle d’un être, humain ou pas. En tout cas, INHUMATE est sa part d’ombre, celle de son tréfonds, celle d’où les pulsions sortent et cette forme d’expression ne peut être autre que full of blasts ! Alors, pour être sincère, oui, des fois ça fait mal de blaster (tendinites…), mais le plaisir est tellement supérieur au jeu lent que, peu importe, INHUMATE blastera jusqu’au bout ou ne sera plus !

Depuis le début de votre "carrière" vous pratiquez l'autoproduction sans compromis, ce qui au passage ne vous a jamais empêchés de sortir des disques superbes au niveau visuel et packaging, on est bien loin du CDR moisi. Alors que la plupart des groupes pleurent devant l'absence d'intérêt de la part de labels quelconques, vous donnez l'exemple en prouvant que le DIY, le vrai, est toujours en vie. Cela n'a-t-il pas un prix par contre ? Par exemple, l'argent mis dans les disques ne pourrait-il pas servir à d'autres choses si vous aviez un label avec vous ? Ou bien établissez-vous une balance de budget bien claire entre vos productions et le reste ? Comment faites-vous pour faire "vivre" financièrement le groupe ?

Oui, nous avons toujours essayé de sortir des albums aboutis visuellement. L’artwork est partie intégrante du concept, raison pour laquelle nous ne cèderons pas à la vente de musique dématérialisée, quitte à perdre des auditeurs potentiels. Ensuite, pour l’aspect financier les choses ont évolué. A l’origine, nous financions tout nous-même avec de l’argent personnel. A partir d’Internal Life et ce jusqu’à Life 1, nous avons eu des subventions de la Ville de Strasbourg. Elles ne permettaient pas de payer la totalité des albums, mais une bonne partie tout au moins. Le reste venait des recettes générées par la vente de nos albums, notre merch ainsi que notre distro. Maintenant nous arrivons à renflouer relativement bien les caisses avec les ventes de notre merch. Depuis Ex-Pulsion, donc 1997, nous ne mettons plus d’argent personnel dans nos productions. Alors, bien évidemment, si nous avions eu un label, nous aurions pu déployer cet argent sur d’autres postes, voire même aurions-nous pu en gagner ! Mais voilà, notre philosophie est ainsi : autoproduction et passion avant tout. L’autoproduction j’ai expliqué, la passion, c’est juste la concrétisation du fait que nous ne désirons pas gagner d’argent avec la musique. Pas une question de tabou, juste le fait que souvent l’argent corrompt. Un groupe dans lequel les musiciens sont habitués à gagner de l’argent risque de se fissurer si jamais la courbe s’inverse. Chez nous, pas ce problème : on n’en gagne pas donc pas de risque d’inversion de la courbe. Enfin si, il arrive qu’on en perde, mais je t’avoue que c’est de plus en plus rare, on finit quand même par savoir calculer un défraiement… L’autre forme de « corruption » (le mot est un peu lourd, mais je ne trouve pas mieux…) c’est le fait que souvent, quand un groupe est signé, il a tendance à se laisser porter, à diminuer les efforts, à ne pas faire de promo, et parfois même à envisager le processus de composition avec plus de légèreté, car en fin de compte, peu importe que les titres soient bons ou pas, le label fera la promo et il n’y aura plus qu’à cueillir les opportunités… En disant tout cela, je sens venir la police du grind (tu sais ceux qui bavent anonymement sur VS) qui ne manquera pas de m’épingler parce que je suis trop ceci, trop cela ! Ah, ah, ah ! L’autoproduction permet aussi autre chose : le parler franc qui manque quand même à beaucoup, c’est dommage. Bon, je m’éloigne du sujet… Sorry…



On ne va pas revenir sur la célèbre heptalogie du groupe mais Expulsed est le sixième album du cycle et la question est déjà dans tous les crânes de piaf: après le septième que se passera-t-il ? Le concept arrivant à sa fin, comment trouver une suite crédible à ce travail qui représente tant d'années ? Vous êtes également un des seuls représentants de la veine death / grind qui a ainsi "organisé" sa discographie, foin de gore crasseux, de porno-chose ici, d'où vient à l'origine l'idée de ce concept ? Des livres / films vous-ont-ils inspirés à tirer ce fil rouge le long de votre discographie ? Si The end of our Odyssey won't have the colors of ashes, ce seront lesquelles ? 

INHUMATE c’est le groupe d’un concept, donc après le septième album le groupe arrêtera, c’est aussi simple que ça. Par contre ce à quoi je ne peux pas répondre, c’est quand ! Quand ce disque sortira-t-il, quand le groupe décidera de mettre un terme à sa carrière ? Je ne sais pas quels seront les projets des autres après, mais pour moi les choses sont claires, je joue dans INHUMATE, je ne jouerai dans aucun autre groupe. Quand INHUMATE cessera je raccroche ma basse. J’aurais fait ce pour quoi je suis là. Alors tout cela peut paraitre abrupt, curieux, etc… Mais c’est certainement la meilleure solution, plutôt qu’essayer de traînailler un truc sans fin. Si on s’en tient à ce qui est prévu, ce sera déjà pas mal ! Et d’où vient l’idée ? Non pas d‘un film, mais de nous-mêmes. L’idée a émergé lors de discussion post répétitions entre 1996 et 1997 lorsque nous cherchions un titre pour le successeur d’Internal Life. Il me semble qu’au début nous étions sur un cycle de cinq albums, et petit à petit, les choses se sont mises en place et continuent à évoluer. Expulsed est plus intégré au concept que ne l’était le précédent et on peut remonter ainsi jusqu’au début. Comme je le disais avant, l’heptalogie est ce qui guide INHUMATE, et plus on avance et plus le concept prend une importance cachée, parce que finalement rares sont les gens à vraiment la connaître et y attacher une importance réelle.

Revenons à Expulsed qu'abordez-vous au travers des titres ? D'ailleurs les morceaux comportent de VRAIS textes, enluminés même par des acrostiches ! Death-y-dément on ne fait pas comme toute le monde chez INHUMATE, on cite même Elsa Triolet, Proust, Gide et tout un paquet d'autres ! Tout est signé INHUMATE, cela signifie-t-il que tout le monde a participé à l'écriture de ces (très bons) textes ? On découvre beaucoup de français dans les textes aussi, quelques mots au sujet de cette utilisation là encore inhabituelle ?

Bon, je laisse la parole à Christophe, il est le mieux placé pour te répondre !

Christophe : Alors, cette fois, j'ai fait tous les textes seul, mais les autres peuvent me donner une idée en passant. Sur les autres albums, Fred et Yannick ont parfois fait un texte que j'ai modifié et j'en ai co-écrit avec Damien sur The Fifth season, mais  ça reste rare. Il est toujours difficile d'adapter un texte sur ce que je veux faire quand il n'est pas de moi car je tente de le faire coller au maximum avec la musique et ce que je veux entendre. Il y a des textes en français car j'aime ma langue eh eh, Fred est prof de français, moi aussi depuis peu, et Damien et Yannick sont sensibles aux textes donc... Mais les textes en français demandent bien plus de travail du coup et c'est un travail assez fascinant je trouve. J'ai passé entre 10 et 25 heures pour chaque texte pour cet album par exemple. Tu as remarqué l'acrostiche, j'en suis content! Et j'ajouterai que tous les textes finissent par le mot "ashes" ou "cendres" puisqu'il s'agit de la thématique de la mort.
Quant aux sujets abordés ils sont vastes :

WE ARE INHUMATE: Il résume notre philosophie, et se veut une réponse à certains de nos détracteurs qui ne comprennent pas toujours la difficulté à être autoproduits.
THE DRAGON: Le dragon symbolise les choses qui peuvent nous hanter, nos côtés noirs qu'il faut combattre parfois (ou souvent eh eh).
DARMOK: Je l'ai écrit en référence à un épisode de Star Trek the next generation, qui porte le même nom, où un peuple ne parle que par métaphore. J'ai adoré l'idée et ai tenté de faire de même. Je suis un gros fan de Star Trek ! (Pas des dernières daubes qu'ils ont faites en revanche).
I AM THE BEAST: Là nous retrouvons résumée l'idée de notre musique, qui est pulsionnelle. Laissons parler la bête qui sommeille en nous. "Faut qu'ça chie" quoi ! Eh eh.
SUN: Il est fondé sur mon film préféré: Sunshine de Danny Boyle. J'ai tenté de retranscrire le film via ce texte. D'ailleurs l'acrostiche peut se continuer si tu y regardes bien! ;)
THE TRAVELLER: Un de mes textes préférés : C'est l'histoire d'un photon qui prend naissance dans son soleil et s'échappe de son système solaire, puis de sa galaxie, traverse le vide intergalactique et voyage pendant des millions d'années, pour enfin terminer sa course dans l'oeil d'un être humain. Le texte est en vision subjective, comme si nous étions ce photon.
ASHES: C'est le mythe de Prométhée, celui qui a volé le feu aux Dieux pour le donner aux hommes. Ce qui symbolise la connaissance. Et l'extrait de Gide fait référence à l'interprétation de Gide, pour qui l'aigle, qui ronge le foie chaque jour de Prométhée quand il est enchainé, puni par les Dieux, symbolise le questionnement, le doute.
C'est le premier texte de l'espèce de trilogie en français avec ARCHER et ATROPOS, qui traitent de la mythologie, et les trois textes commencent par la lettre A, pour qu'ils soient liés d'une autre façon encore. Le titre "ARCHER" peut d'ailleurs se lire en anglais et en français.
THE SCALE: On peut trouver sur le net une animation intitulée The scale of the universe 2. Ce texte l'illustre. Voilà le lien : http://htwins.net/scale2/
Donc nous partons de l'échelle la plus petite, et on remonte jusqu'à la plus large, ce qui donne un sentiment de vertige et d'infini.
ARCHER: Donc, deuxième texte sur la mythologie, en français, qui parle d'Orion, le chasseur mortel, qui tombe amoureux d'Artémis, la déesse chasseresse. Il ose l'embrasser, et Artémis le fait piquer par un scorpion pour cela. Petit clin d'oeil aussi à tous les textes over gore, où l'on découpe et viole des êtres humains à tout va, alors que là, Orion se fait tuer pour un petit baiser bien chaste eh eh ! Au final, le scorpion et Orion se retrouvent dans le ciel, sous la forme des constellations.
ROSEBUD: Damien et moi sommes grands fans de cinéma, Damien est un vrai cinéphile, et donc il y a plusieurs références cinématographiques dans cet album. Ici, il s'agit de Citizen Kan, l'excellent film d'Orson Welles.
CENDRES: Il n'y a qu'une citation, celle d'Elsa Triolet, la compagne d'Aragon, qui collait tellement bien à notre thématique que j'ai voulu l'intégrer à l'album. De plus, avec le côté lancinant et obsédant du morceau, cela se mariait parfaitement. Enfin, je trouve. De plus, elle a l'énorme avantage de finir par "cendres" ah ah !
WILLING: J'ai fait de la boxe thaï pendant 11 ans et j'ai voulu retranscrire ce que peut ressentir un combattant pendant un combat, même si moi-même je n'ai pratiqué cet excellent sport qu'en loisir, mais assez intensément.
FREAKS: Encore une référence cinématographique, double cette fois : Freaks de Tod Browning de 1932 et bien sûr, Elephant man de Lynch. Dans l'UG, nous sommes souvent vus comme des freaks, des monstres, je pense, vu notre musique, les pochettes, le look, etc. Nous pouvons donc être considérés comme étant à l'écart, et nous pouvons retrouver aussi cette idée de: "offensez l'un, et vous les offensez tous", qui est le petit sample mis en exergue avant le titre, cette sorte d'union que l'on peut ressentir souvent dans ce milieu, si l'on excepte les quelques esprits chagrins cités dans le premier texte :)
THE ROOM: Il s'agit d'une métaphore du monde, car au final, nous sommes "enfermés", dans le sens que nous ne pouvons pas encore véritablement partir de notre planète, ici sur Terre et que certains luttent pour la garder en état, et d'autres n'en tiennent pas compte.
VOICES: Ce texte traite de l'euthanasie, qui est un geste d'amour. C'est ce que j'ai voulu montrer ici. De plus, nous retrouvons encore le contraste entre notre musique et les paroles, surtout avec les paroles qu'utilisent certains groupes, qui ne parlent que de haine (ce que je comprends tout à fait) et là où il est question de donner la mort par amour.
ATROPOS: Dernier titre de la "trilogie" en français : Il s'agit des Moires chez les Grecs (ou des Parques chez les Romains), les trois femmes qui tissent le fil de la vie des hommes. Atropos est celle qui le coupe et donc y met fin. Et l'idée sous-jacente ici est la mort d'une femme qui est surdouée, sorte de nouvel Einstein, mais qui n'est pas née dans le bon pays, et elle meurt, emprisonnée, abandonnée, et ses idées avec elle. Une perte énorme pour le monde, et je suis certain qu'une telle perte a déjà eu lieu.
FASTER THAN THOUGHTS: Là encore un morceau sur notre musique, qui tente d'aller de plus en plus vite, et cette recherche de vélocité est peut-être une façon d'aller plus vite que nos pensées, d'y laisser parler l'instinct dans le son et la scène, et de laisser parler l'intellect dans les textes. Les deux combinés forment un tout, qui pourrait illustrer tout être humain, selon nous. Ceci résume notre quête. De plus, ce morceau termine l'album car la fin du texte parle du phoenix, cet oiseau mythique qui renaît de ses cendres. Il annonce ainsi l'album final, car EXPULSED traite de la fin de la vie, des cendres, et il sera temps ensuite d'en renaître, comme le montre le dernier vers : "We rise from our Ashes". (Petite parenthèse, généralement quand un mot a une majuscule, c'est qu'il fait référence à quelque chose qui existe déjà dans un autre texte, dans cet album ou dans un autre. J'ai déjà utilisé ce code précédemment, depuis le début me semble-t-il, mais il faudrait vérifier ah ah, d'où la majuscule devant Ashes ici).

Musicalement, on retrouve la patte INHUMATE, ce mélange fatal entre ultra-brutalité et groove, on peut, ce qui n'arrive pas forcément avec tous les groupes du style, secouer la tronche comme un cinglé sur vos morceaux et la seconde d'après se retrouver à surplomber les mains d'un public déchaîné. Avez-vous d'emblée en tête l'effet que les morceaux vont avoir sur scène ou bien arrivent-ils directement comme ça à force de jammer sur des plans que l'un ou l'autre propose ? Quelle est la "recette" INHUMATE ?

Il n’y a pas de recette, les squelettes des titres sont composés par Damien. Il apporte les riffs et le reste se fait en répète. Par contre il n’y a jamais rien de prévu, les choses sortent comme elles sortent. Le seul titre pour lequel il y avait une « ambition », c’est « Cendres ». Depuis des années on essayait de faire un titre lent, il a fini par sortir. Et pour celui-là aussi, aucune idée préconçue de la façon dont il devait sonner. Du coup, il en résulte une espèce d’ambiance curieuse, presqu’inclassable, et c’est très bien comme ça !

On note encore une fois avec ce disque le soin que prend INHUMATE pour la présentation de ces disques, sans parler de la pochette qui parle d'elle-même, le dos magnifique du booklet qui reprend de façon allégorique le thème est tout simplement magnifique, bravo à Giannis Nakos !! Où avez-vous donc dégoté ce bonhomme ? Vous a-t-il proposé son travail ou lui avez-vous confié les idées et les pistes afin qu'il réalise quelque chose de son côté ? Aura-t-on la chance de voir une édition vinyle voir le jour et du coup ces illustrations en grand ?

Où a-t-on trouvé Giannis Nakos ? Sur facebook. J’avais envoyé quelques mails à des graphistes français mais visiblement personne n’était prêt à me proposer une ébauche, tous voulaient être sûrs d’être payés. Alors j’ai cherché sur FB et suis tombé sur Giannis qui était d’accord pour nous proposer une ébauche. Ce qu’il a fait en s’inspirant d’une idée de notre graphiste de l’époque et du concept de l’album. L’idée du personnage au bout du pont est de lui. Ensuite nous avons retravaillé les dessins bruts et la mise en page de ceux-ci avec Tos (graphiste et webmaster d’INHUMATE à l’époque). Et bien sûr, in fine, tout le monde a été payé. Pour le vinyle c’est oui, bien sûr ! En ce moment nous renflouons les caisses qui ont pris un coup avec la tournée à Cuba à l’été 2012 et Expulsed, mais dès que nos comptes nous le permettront, évidemment que cet album verra le jour et en gatefold dans la mesure du possible.

Parlons-en du vinyle qui il y a quinze était l'objet de toutes les moqueries et qui revient en force, ainsi que la cassette d'ailleurs, pour aider les vauriens à se remplir les poches sous prétexte de vieille école et autres mensonges éhontés. Quelle est la vision d'un groupe autoproduit sur cette surenchère commerciale où tous les labels ressortent les albums qui ont fait leur succès au lieu de donner une chance à des groupes que ces sorties pur marketing empêchent de signer ? N'y a-t-il pas d'ailleurs trop de groupes, trop de labels pour un public lardé de toutes parts par une économie sur le déclin ? Trier le bon grain de l'ivraie n'est presque plus possible semble-t-il, tout va trop vite et dans tous les sens non ?

Nous n’avons rien contre ces supports. En tout cas le groupe ne défend pas de position globale. Damien et Yannick achètent beaucoup de vinyle, moi jamais. Ils les écoutent, ma platine est morte depuis des années. J’ai encore quelques dizaines de LPs, mais le format CD me convient parfaitement. Donc à ce niveau, pas de sectarisme. Quant aux cassettes, on n’en écoute plus depuis des lustres. Mais on n’y est pas réfractaire, de temps à autres, un micro label veut sortir du INHUMATE live en cassette, on ne dit pas non. Le gars se fait plaisir et pour nous c’est opération neutre, donc why not. En revanche, le phénomène que tu pointes : la réédition de vieilleries dans un but purement mercantile, ça c’est juste insupportable. Mais que veux-tu, c’est le principe de l’offre et de la demande. Les vieux nostalgiques, souvent des gens qui bossent et qui ont donc de l’argent, cherchent les vieux machins. Les labels flairent le bon plan et rééditent, ce qui leur coute peanuts entre nous, et voilà le tour est joué ! Et comme tu le fais remarquer, pendant ce temps ils ne font pas ou peu leur « vrai » boulot, celui qui consisterait à lancer de jeunes artistes. Du coup ce créneau est repris, tout au moins dans le grind, par une profusion de micro labels qui sont obligés de se mettre à 5 pour sortir un EP. Ok, c’est cool, c’est roots as fuck, mais perso je ne comprends pas bien le principe. Tout est dilué, délayé, tout est à tout le monde. Ok, c’est la mondialisation, mais quitte à passer pour un vieux réac primitif, j’ai du mal avec ces concepts de tout est à tout le monde, la gratuité à tout va, rien ne vaut rien. Je pense que ce qu’on produit (musique, performances scéniques, albums) a une valeur, et pour cette raison je suis assez contre le partage de tout par tous. Pour revenir à ta question, oui il y a trop de groupes, trop de musique, trop de tout. On ne sait plus où regarder, quoi écouter… Mais c’est juste le résultat d’une évolution, je ne suis pas persuadé que c’était mieux avant, disons que c’était différent. Par contre ce qui change maintenant c’est qu’il faut trouver des moyens, pour les groupes, de sortir du lot. Et là: angoisse ! Personne ne sait comment faire. Il doit bien y avoir une solution. Il y a vingt ans, quand j’envoyais des centaines (je dis bien des centaines !) de promos à travers la planète à des zines du bout du monde, souvent pour rien, on me prenait pour un débile. Le résultat est visible maintenant. On récupère cet investissement en temps et en argent ! C’était ça, la solution. En un mot : fallait investir, fallait s’investir, fallait passer des heures à envoyer des lettres, à répondre aux interviews à la main, etc… Maintenant cela semble insurmontable de faire de la promo sur le net. Je reste persuadé du contraire, mais une fois encore, cela nécessite du temps, de la patience et surtout de la motivation. Donc profusion oui, mais profusion normale, qui finalement ne devrait pas gêner les groupes. Pour les auditeurs, là par contre, j’avoue que c’est plus compliqué… Il y a tellement de choses que plus rien ne dépasse. Après, la différence se fait certainement sur scène, là c’est plus difficile de tricher je pense.

Je passe pour un zoulou quand je refuse les promo-MP3 et autres PDF, déclarant à qui veut l'entendre que faire un mag papier par passion, avec ses propres (rares) thunes et sans compromis ni publicité mérite autre chose qu'un crachat numérique qui pour moi ne signifie rien sinon l'impersonnel et l'impalpable. Je ne mangerai JAMAIS de ce pain là, d'où la mort, après quinze ans de travail, de Dead Church. Mais je constate avec joie dans votre lettre qui accompagne le DISQUE que nous sommes du même avis, pas vrai ? Dites-nous tout !

Oui, là-dessus nous sommes sur la même longueur d’onde. Comme dit plus haut, notre heptalogie se compose de sept albums, c’est-à-dire de sept « objets » dont la musique en elle-même n’est qu’une partie, parce que les paroles et l’artwork en sont indissociables. Donc ce que nous mettons en vente c’est un disque et pas que du son. Partant de là, nous avons décidé de ne proposer à la vente que l’ensemble et pas des morceaux de notre production, ce qui veut dire qu’il est absolument hors de question que nous mettions nos titres en vente sur des plateformes numériques ou même en accès libre. Alors évidemment nous aussi on passe pour des zoulous, les gens ne comprennent pas trop la démarche sachant que l’album était dispo en d/l pirate quelques semaines après sa sortie. C’est pourtant pas compliqué d’intégrer le fait qu’on puisse faire de la musique avec éthique et essayer de ne pas forcément tomber dans le piège de ce qu’on dénonce ! Notre but n’étant pas mercantile mais artistique, on préfère diffuser peu mais penser que les gens qui achètent nos albums vont les apprécier à leur juste valeur (ce que tu as fait en allant jeter un œil aux paroles), que sortir de sous prod (souvent vite faites, mal faites) à tour de bras, tout mettre en d/l gratos en sachant bien que finalement ceux qui s’y intéresseront seront les clones underground de ce que les acteurs de la scène grind dénoncent : le consommateur bourrin, aveugle et irrespectueux. Expulsed est l’album pour lequel j’ai envoyé le moins de promos (pas plus d’une vingtaine), il est moins médiatisé que ne l’était par exemple Growth, pour lequel j’avais envoyé plus de 500 disques en promotion. C’est un peu le monde à l’envers, mais peu importe, au moins on a l’impression d’avoir une éthique et de ne pas être un mouton parmi l’immense troupeau qui fait du son du FB et peu importe si on n’est pas / mal compris.

Vous multipliez les dates au nord et à l'Est mais toujours rien (depuis Saint-Sulpice où nous nous étions vus) dans le sud, quel est le moyen de voir le groupe dévaster une scène par ici ? Quelles sont vos conditions ? Un BLOCKHEADS / INHUMATE aurait de la gueule aaargh !!!

Nos conditions sont les mêmes depuis 23 ans : le défraiement. Ah, si, une petite chose a changé ! Depuis 3 ou 4 ans nous nous déplaçons en véhicule de location, ce qui veut dire que la location est incluse dans le défraiement. Je précise parce qu’il arrive que certains considèrent que nous exagérons… Je précise juste à ces mauvais coucheurs que nous avons flingué plusieurs voitures perso sur les routes d’Europe, donc vient un moment où il faut raison garder. Sûr que l’affiche INHUMATE / BLOCKHEADS serait bien sympa, mais comme dit, si c’est Toulouse ou dans ce coin-là, pour nous c’est soit l’avion, soit le train; se farcir 10 heures de route on ne fait plus. Et du coup, c’est certain que ca devient vite très, très cher…

Les derniers mots sont pour vous, un message pour les lecteurs, des projets futurs à annoncer maybe ? Sick and proud !!

Tout d’abord, merci à toi Ged pour ton indéfectible soutien depuis tant d’années. Dommage que tu arrêtes, mais je le comprends bien, tes motivations sont certainement les plus valables qu’il soit. Et ensuite, comme dit, la roue tourne, faut laisser la place à la relève, si tant est qu’elle existe… Quant aux lecteurs qui ne nous connaissent pas, un peu de son est dispo à cette adresse: http://inhumate.bandcamp.com pour plus d’info, qu’ils me contactent. Les futures dates d’INHUMATE se feront en Allemagne et au Portugal et le 8 février à Strasbourg ! Venez-y nombreux, ça va déboiter !!!

a+
Fred

Dernière sortie en date : INHUMATE [Fra] Expulsed (Grind Your Soul Prod - 2013) ou INHUMATE [Fra] Expulsed 12’’ (Grind Your Soul Prod - 2013).

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