InterviewsLes propos des interviewés n'engagent que leurs auteurs.
22
Jui
2014

[Publié à l'origine dans C Le Mag N° 100]

Dix ans déjà pour le fameux festival organisé par le cinéma Alain-Resnais de Clermont-L'Hérault : l'Art en bobines. A cette occasion, une petite rencontre avec Rémi Hussenot, le dirlo du cinoche, nous livre quelques indices quant à la prochaine édition sise la dernière semaine de janvier (a priori du 24 au 27 janvier pour la programmation adulte et du 28 au 31 pour les enfants) mais aussi quelques pensées sur le cinéma en général

Ce n'est pas l'envie qui manquait à l'équipe de mettre les petits plats dans les grands pour cette décade d'existence mais les finances restent un problème insoluble... "Du coup on va faire raisonnable, comme d'habitude, quatre-cinq jours de festival. Par contre, depuis deux ans on avait lancé le festival juniors pendant les vacances de Pâques; cette année on regroupe tout. 

Chaque festival a depuis le début eu son fil rouge qui relie la programmation, les animations, les expositions, cette année ce sont les acteurs qui sont mis à l'honneur: "Pour les dix ans je voulais quelque chose de fédérateur, le plus "large public" possible, on essaiera également de mettre un coup de projecteur sur le théâtre. Beaucoup de films parlent du théâtre que ce soit chez Pacino, Brannagh (Shakespeare entre autres)... Nous essayons comme d'habitude de puiser dans le patrimoine et là aussi beaucoup de choses intéressantes comme Entrée des artistes ou le très méconnu La Fin du jour de Duvivier qui met en scène une maison de retraite réservée aux vieux acteurs (avec Jouvet, Simon, Frankeur...). 

Comment arrive-t-on à se procurer ce genre de film anciens ? Il est capital de les maintenir en vie en les projetant, en les faisant découvrir aux plus jeunes. Pour certains, des distributeurs sont spécialisés dans ce genre de films mais ce n'est pas évident pour les titres car il faut encore que des copies existent, que les ayant-droit acquiescent... Mais la numérisation de nombre de films peut faciliter les démarches: "Aujourd'hui nous pouvons avoir une copie en blu-ray qui donne une diffusion d'excellent qualité. Et bien entendu dans ce cas nous le précisons sur le programme.    

Le festival est donc l'occasion de faire renaître, en quelque sorte, des films qui tombent peu à peu dans l'oubli: "Cela fait partie des objectifs du festival: faire découvrir des films nouveaux, inédits ou en avant-première, ou qui n'ont pas encore de distributeur, mais aussi des rétrospectives qui donnent la possibilité de revoir sur grand écran des films qu'aujourd'hui on ne voit plus qu'en DVD ou à la télé, ce pour quoi ils n'ont pas été créés". 

La tenue d'un festival, donc, sa programmation, induisent donc un choix draconien, comment celui-ci s'effectue-t-il ? "Je fais d'abord une première phase de recherche dans mes propres connaissances mais aussi sur le net etc, pour arriver à une centaine de titres. Un classement par pertinence suit: de gros morceaux porteurs que le public connaît mais aussi donc des films méconnus que peu ont eu la chance de voir au cinéma. J'essaie aussi d'avoir des films d'un peu toutes les époques et dans l'idéal de pays différents, voire des cinq continents". Au final ce sont dix ou quinze titres pour la partie rétrospective qu'il faut retenir, plus les hommages aux personnalités présentes à Clermont et aussi les avant-premières (entre trois et cinq d'habitude). Entre vingt et vingt-cinq films en tout ! Boulot de titan ?    

"Avec une seule salle, la marge de manœuvre n'est pas très grande, il faut arriver à composer avec tout ça". Mais surtout il faut faire les choix drastiques finaux: "Parfois je suis amené à refuser des films parce qu'ils sont trop chers, soit les copies sont en mauvais état. La programmation que vous découvrez à l'arrivée n'est pas forcément le premier choix. Alors on essaie d'équilibre et garder une cohérence malgré toutes ces contraintes." Les contraintes sont aussi idéologiques car on peut se demander comment un cinéma d'art et d'essai comme celui-ci se dépatouille avec ses choix de locomotives ou blockbusters quand il veut garder une ligne claire en privilégiant le cinéma d'auteurs: "Je pars du principe que nous ne projetons que du cinéma d'art et d'essai, et dans le genre il y a des films très porteurs comme Dune de David Lynch". Le genre "art et essai" est d'ailleurs très difficile à cerner puisqu'il contient autant d'expérimental que de grand public, épineuse question que de classer oui ou non un film sous cette étiquette.

Mais on aurait tôt fait (suivez mon regard dans le miroir) de cracher sur le cinéma dit commercial si on réfléchit un peu trop vite, le poing en l'air et les cheveux au vent: "Les gros cartons comme AstérixIntouchables ou les Ch'tis font plaisir aux gens, soit, mais surtout font vivre toute la filière production mais aussi la notre, on a besoin de ces deux ou trois films par an. Intouchables en 2011 a sauvé pour beaucoup une année au bilan catastrophique jusqu'à sa sortie".

C'est bien beau mais donc le choix est fait, comment récupère-t-on les bobines ? "Le réseau classique c'est qu'un film a généralement un distributeur que l'on contacte et avec qui on gère les différentes contraintes administratives et légales, sans oublier le prix de la location". La location ? Parlons-en, il semblerait que les prix varient follement et on ne sait jamais vraiment pourquoi: "C'est aléatoire, je me souviens avoir un film russe que je voulais absolument montrer mais le film n'avait pas distributeur mais quelqu'un avait des droits, il me proposa de payer 500 euros la séance !! Comment prendre un tel risque ?!"

Revenons au festival, s'il est un peu tôt pour mentionner des invités éventuels, Rémi ne cache qu'il aimerait recevoir une grosse pointure à l'occasion de dix ans, "les grands acteur font partie de notre imaginaire du cinéma mais j'aimerais aussi avoir des gens de la jeune génération, qui une relève d'une excellent qualité, en particulier chez les filles".

Comme d'habitude vous pourrez également compter sur des animations - concerts, spectacles - salle Georges Brassens (on me parle dans l'oreillette d'une carte blanche aux créatifs du cinéma dont Arnaud Hussenot ??? qui commet aussi de la musique, à voir peut-être dans le cadre du festival ?)

"On est des acteurs culturels alors même s'il faut jongler avec certaines choses célèbres, le but est aussi d'en montrer d'autres jamais vu, ce qu'un festival comme l'Art en Bobines permet"  

Subsidiaire: à un époque où des festivals présentent des films tournés avec des téléphones portables, où les rédactions croulent sous des tonnes d'images de qualité parfois proches du zéro absolu, que doit être la réaction du cinéma à son encontre ? 

"Je ne pense pas qu'il y ait vraiment un danger pour le cinéma. Au contraire cela va recentrer l'exigence des lieux culturels qui vont devoir être rigoureux dans ce qu'ils montreront. Le public de toute fera le tri, naturellement et spontanément. Et puis un lieu comme le notre n'a aucune possibilité de s'ouvrir à ce genre de choses vu le nombre (500 !) de films qui sortent par an. Ce qui serait bien, c'est que ce genre d'émergence technologique fait éclore de nouveaux talents.

En attendant que le petit de la voisine devienne, aïe-fone au poing, le nouveau Spielberg, rendez-vous donc fin janvier pour une programmation 100% VRAI cinéma ! N'hésitez pas à vous faire des films !

© GED Ω - 22/06 2014

Les mots-clés :