InterviewsLes propos des interviewés n'engagent que leurs auteurs.
27
Avr
2014

[Publié à l'origine dans C Le Mag N° 84]

Il en faut du courage sachez-le pour aller puiser aux sombres sources une information fraîche et fiable, le mieux est d'aller toquer chez les artistes eux-mêmes pour avoir en exclusivité intergalactique les réponses aux questions que se posent des millions de fans stressés par l'attente. Direction donc Bédarieux, dictaphone ok, bonne humeur ok, pour aller à la rencontre de Fabcaro, ci-devant auteur talentueux de la BD la plus poilante sur le marché bien qu'en même temps un type assez louche, l'illustre Tronchet ayant été poussé à l'effraction pour incruster une préface sur un des albums à paraître. Pour ma part, même si j'épargnerai, contrairement au dit Tronchet, les quolibets à Bédarieux, j'avoue ressentir une assez grande épouvante de me retrouver nez à nez avec la pieuvre de la piscine ou encore les ânes qui promènent les hommes vitesse grand V...

Toc toc Fabcaro, il est là, cafetière en main, et sitôt partis dans la conversation, nous nous retrouvons bientôt dans une autre dimension, variant suivant les couvertures de la couleur au noir et blanc, mais toujours imprégnée d'un humour décapant et irrésistible, mon dieu, voilà que je sens s'envoler l'objectivité... A présent débarrassé, la question, apparemment si chère à Tronchet dans la préface de L'Infiniment moyen, mérite d'être posée, quelle idée d'être venu s'installer dans une ville au nom illustre tel que Bédarieux ? Se rappelant le fou-rire de Tronchet à la Comédie du Livre quand il avait prononcé ce nom, Fabcaro confesse: « ma compagne a été mutée il y a une quinzaine d'années mais finalement je m'y sens bien... C'est vert, c'est perdu, ça me va très bien ». Ce n'est pas parce que ses confrères se moquent en l'imaginant vivant avec poules et cochons dans la pure tradition de la caricature que Fabrice s'est laissé aller, pas moins de cinq albums sortent presque simultanément cette année (NDLR: 2011)!!

Soupçonné de vil stakhanovisme par l'inquisiteur envoyé de C Le Mag, il admet: « c'est un hasard de calendrier, certains comme L'Album de l'année ou L'Art de la winne sont en chantier depuis un moment sinon c'est surtout que tout tombe d'un coup comme ça, il y a aussi eu des changements de dernière minute. Personnellement sortir tout d'un coup me paraît un peu suicidaire, les éditeurs ne sont pas loin de penser la même chose ». Ceci dit les livres à paraître sont pour la plupart des tirages underground limités mais aussi et surtout des projets très différents ; et comme en plus on est les rois de la transition c'est le moment d'évoquer ces fameux livres en commençant par L'Album de l'année qui est sorti en avant-première en février pour le festival d'Angoulême, une case par jour de l'année 2009 : « Au départ c'est un truc que j'ai fait pour moi en 2004 et je suis retombé dessus en 2008. J'ai trouvé ça sympa pour laisser une trace, moi qui note tout et qui suis très à cheval sur le temps. Donc j'ai voulu en refaire un pour l'année 2009 et à mi-chemin j'en ai parlé à Philippe, mon éditeur chez La Cafetière, sans pour autant proposer une publication mais au final c'est lui qui m'a proposé de sortir quelque chose sur album ». Contrairement à ce que Fabrice pense, question d'habitude, souvent de très bons retours, que ce soit lors de festivals ou sur des chroniques, célèbrent la sortie de cet album atypique mais vraiment très chouette.

Pas typique non plus est la sortie du deuxième livre Amour, passion et CX diesel chez Fluide Glacial mi mars. Pourquoi ? Tout simplement parce que Fabcaro cette fois-ci ne signe que le scénario mais laissons-le vous présenter, fidèles lecteurs, ce nouveau projet : « C'est James qui m'a contacté après que l'on se soit rencontrés sur plusieurs festivals puisqu'il dessine lui aussi pour les Editions 6 pieds sous terre. Il m'a demandé si je n'avais pas un scénario car il avait accroché à mon univers et il se trouve que j'avais préparé ça pour moi, une parodie de Dallas à la française. Je lui ai donc fait passer quelques story-boards sur lesquels il a dessiné et puis a envoyé ça à Fluide Glacial et tout s'est fait très vite malgré un moment d'hésitation de ma part puisque je n'avais pas l'habitude d'écrire pour d'autres même si j'adore le travail de James. Il m'a décomplexé quand je doutais ». Le solitaire Fabcaro avoue avoir plus d'attirance pour la narration que pour le dessin et l'expérience s'avère d'ores et déjà payante puisque l'éditeur adore cet album, de là à parler d'une éventuelle suite, que sera sera... L'histoire : un vieil homme atteint de la maladie d'Alzheimer n'est pas loin de mourir et ses enfants se déchirent pour savoir qui héritera de la CX diesel, rien à voir avec Jacques Chirac donc...

Jamais deux sans trois, L'Infiniment moyen prend le relai et Fabrice nous en livre en exclusivité centrhéraultaise la teneur : « C'est une compilation de mes premières publications depuis 2003 chez Psikopat mais aussi CQFD et Bedaine dont les Editions Même pas Mal se sont proposées de faire une sélection en vue d'un album. Ce sont des gags en une page assez noirs dans le ton de Psikopat ». Cet album voit le retour sur les pages des allusions autobiographiques qui émaillent systématiquement les albums du Maître mais cette fois-ci, une fois n'est pas coutume, il n'y est pour rien : « Même pas mal aimaient bien justement mes BD autobiographiques et en ont sélectionné dans le tas même si encore une fois je doutais un peu et j'aurais vu d'autres pages à la place mais ils y tenaient »... On retrouve également au programme les allusions à la truculence d'un certain Sud de la France que les natifs connaissent bien, Fabcaro lui-même a grandi dans ce sud où il puise encore pas mal de son inspiration...

Et de quatre avec L'Art de la winne qui fera son apparition dans les bacs en mai-juin, l'auteur sous la menace veut bien partager quelques informations : « c'est un travail plus grand public et en couleurs qui regroupe les histoires de Steve Lumour, un humoriste super loser qui ne fait pas rire, qui fait des animations dans les supermarchés et les maisons de retraite et l'album est une fausse biographie décalée sous-titrée L'Art de la winne qui sort chez Le Lombard dans une collection un peu plus alternative avec un petit format souple.

Pour finir, en septembre chez Six pieds sous terre sortira le mystérieux -20% sur l'esprit de la forêt, un album très expérimental aux dires de Fabrice, dans la lignée de La clôture (2009) pour les amateurs. Avec tout ça vous croyez que l'homme s'est décidé à ralentir à la cadence ? Que nenni, Fabrice a encore des projets sous le coude comme une version alternative de l'album de l'année, une ébauche de roman, et on en passe ! « J'ai toujours dix projets d'avance » dit-il avec un sourire énigmatique. 

© GED Ω - 27/04 2014 

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