07
Sep
2021

Terrible exercice de mémoire que de tenter de se rappeler les premiers souvenirs que l'on a d'un artiste hors du commun.

Jean-Paul Belmondo représentait peut-être à une époque un cinéma que nous regardions avec une certaine ironie, les superflics qui se permettaient de frayer un petit peu avec le milieu, d'avoir une vision à géométrie variable des lois tout en se voulant en même temps garant d'une certaine morale. Des types qui se croyaient toujours irrésistibles auprès des femmes et ajoutaient systématiquement un peu d'intellect parfois très superficiel à des bras bien musclés (et pas de gonflette au programme !).

Allergique depuis toujours au machisme, on avait parfois du mal à accepter ses personnages malgré l'humour qui les caractérisaient quasiment tous, mais si aujourd'hui on doit perso se rappeller de Jean-Paul (parce qu'il faut l'appeler Jean-Paul, il était le père, le grand-père, de chacun des spectateurs de mon époque), Jean-Paul donc c'était d'abord pour moi celui qui accompagna dans sa dernière demeure sa compagne d'infortune dans Cartouche et ce carrosse qui lentement s'en va dans l'eau comme pour former un cercueil à une sirène inoubliable, c'est Joss Beaumont qui est, sur une musique magnifique d'Ennio Morricone (désormais associée aux gentils toutous qui courent dans herbe) qui se fait shooter par la raison d'État, c'est ce soldat paumé à Dunkerque, c'est ce Voleur détrousseur de bourges, c'est ce Prêtre ambigu, ce sont toutes ces facettes qui font que jamais personne ne devrait être diminué, limité à une seule, et qui font d'un acteur un être forcément surnaturel puisqu'il donne l'impression d'avoir vécu mille vies.

C'est sûrement ce qu'a fait Jean-Paul, un gars que l'on voyait mal rester tranquille chez lui quand on avait grandi avec Les Tribulations d'un Chinois en Chine, L'Homme de Rio, ces films qui faisaient de lui une sorte de Tintin barge, enfin punk, Jean-Paul interprète enfin parfait pour une version rock'n'roll de la saga de Hergé. De plus, Jean-Paul a joué des mecs costauds mais il ne s'est jamais départi, même au moment de sa carrière où il fallut endosser le blouson noir et castagner les méchants, d'une sorte de mélancolie pleine de questions sur ses congénères, ce qui les pousse à faire telle ou telle chose, un acteur certes, un observ'acteur surtout puisqu'il endosse à merveille tous les costumes qu'on lui taille.

Et des costards, on lui en a taillé d'un autre genre, mais tout ça nous on s'en fout, on veut juste dire au revoir au héros de notre enfance qui peut bien être ce qu'il était ou pas, moi je n'oublierai jamais les films du dimanche soir vus et revus mais toujours avec le même plaisir, le générique d'introduction inoubliable qui allait avec, mais aussi les cassettes vidéo de René Château avec ses affiches toujours aguicheuses que l'on allait parfois chercher chez Claudie (si on a bonne mémoire) du vidéo-club de Bedarieux, toujours bien fourni en cinéma populaire.

Oui, je vous parle d'un temps dont les gens de mon âge ne se souviennent plus, je vous parle d'un temps que ce site ne cesse de mettre en lumière, ce site n'est en fait qu'un journal intime dont une grande page vient de s'arracher quand Jean-Paul s'en est allé. C'était l'heure, faut pas déconner, à presque quatre-vingt-dix ans il faut savoir décoller, on est juste un peu triste de voir tant de salopards approcher le siècle pendant que tous nos héros tombent les uns après les autres. On ne les citera pas, chacun a des noms sur le bout des lèvres mais bordel que ça fait mal quand le théâtre se vide et qu'il n'en reste plus que le public !

P. S. : puisque dorénavant Jean-Paul Belmondo sera considéré ici comme un mot-clé, un sujet, une période, une œuvre, il aura sa propre catégorie car son début de carrière ne lui permettait pas d'être cité parmi les premiers acteurs. Pour rendre justice à une carrière immense, cliquez juste sur son nom en rouge pour voir ce que nous avons déjà écrit ; une série de chroniques en hommage à ce monstre sacré sera publiée sur une quinzaine de jours, il valait bien ça et puis on nous reproche suffisamment de n'écrire que sur des vieilleries, ce sera un double plaisir de contrarier les cons.

 

 

 

 

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