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Chroniques romans
13
Oct
2018

Les étoiles évaluent le plaisir ressenti à la découverte des œuvres, rien à voir avec une quelconque note !

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On attend depuis la sortie de l’excellentissime Figurec (quinze ans, une paille !) que Môssieur Fabcaro se remette au roman pour lequel il est très doué et,

bam, Le Discours tombe, merci Maman, sur la table des rares lectures récentes à évoquer. Alors que nous avons un peu perdu la piste vers les cimes de Fabrice depuis un petit moment (snif), rebelote, il crée ici un personnage qui nous rappelle encore quelqu'un qui n'a pas su dire non : bon gré mal gré, Adrien fera un discours le jour de la cérémonie de mariage de sa sœur Sophie... Comme si ça ne suffisait pas d'avoir en face de lui un désastre scolaire de classe « technologique » que le hasard et la maladresse (la maladresse surtout) transformèrent en objet phallique dont il est visiblement le seul à percevoir la honte et l'incongruité en plein milieu de la cuisine parentale. Adrien (n') est aussi (pas du tout) un grand spécialiste de la communication contemporaine, sur un coup de folie il se pense en mesure de tenter un raccrochage de wagon avec Sonia, sa copine, qui a décrété abruptement une « pause ». Mais sonnent bientôt dix-sept heures et cinquante-six minutes, puis plus encore, et elle ne répond toujours pas. Pourtant, on a bien envie de poser la question : tututut, qu'est-ce que donc un fichu point d'exclamation face aux terribles points de suspension, Fabrice ?!

Sujet paradoxalement capital dans une société qui ne connaît même plus sa propre langue, le SMS est sûrement responsable d’un bon nombre de messages incompris chez ceux pour qui la ponctuation a encore une signification. N’empêche, Droopy phobique, hypocondriaque, paranoïaque, écorché vif, Fabrien l’est peut-être, mais à travers son écriture unique (revenir sans cesse à son sujet en prenant de multiples chemins détournés, pratiquer l'absurde absolu quand il s'agit d'expliquer, de motiver des dires), il laisse transparaître un amour immense pour la citadelle féminine qui depuis si longtemps l'entoure (et Satan sait que l’homme est difficile à cerner dans un monde trop simple), lui inspire des passages à se pisser dessus, les batailles mesquines entre partenaires forcément particuliers étant la meringue du mystère humain, la source de répliques proprement géniales. Sans parler du mariage, invitation au suicide collectif pseudo-festif de l'espèce humaine où tout est permis, où à peine a-t-il fait mine d'accepter de se pointer feuille à la main qu'il imagine comment pouvoir y couper. Sauf qu’il y a un os, Adrien l’avoue sans ambages : « je n'ai jamais démenti le moindre malentendu me concernant, tout autant par lâcheté que par paresse. », d'où une grande quantité de quiproquos à prévoir au menu de ce repas qui constitue le fil rouge du livre, prions qu’on n’en fasse jamais un film tellement on se bidonne d’imaginer ses scènes d’anthologie (note du futur, flûtyfuck, un film est sorti depuis).

Veuillez noter que messieurs les poètes maudits Herbert Léonard et Darby Crash, où qu’ils soient, doivent être ravis d'être si souvent cités, tout comme L’Encyclopédie du gratin dauphinois, autre grand succès du monde de l’édition, et que notre Pierre Richard pythonesque aux goûts bizarres entre kitsch, nihilisme et rêves qui font rêver, se livre une fois de plus à un festival d'auto-dérision hilarant qui confine à la schizophrénie sans limite (docteur Fabien Jekyll je présume ?!), singulièrement amère quand saupoudrée de Cioran, mais bordel, il y a partout cet humour fin et ravageur et, systématiquement depuis toujours, cette impression d'avoir un frère aussi tordu que soi qui raconte d'une telle manière, à la fois intime et imagée, romantique et brutale, que l’on soupçonne depuis le départ que la proximité des âmes n'est pas qu'une chimère.

Chopez donc ce roman carrément bien touré, et sûrement pas pausifère. (point final).

209 pages
ISBN : 9782072873904

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