Le Bal des cagoles de Philippe Carrese (L'Ecailler - 2011)

Si tu as fait marseillais en première langue, tu sais qu'une cagole est une midinette

plus ou moins sans cervelle, toujours attifée comme pas deux et à deux doigts de la vulgarité rapport à sa façon de manger les chewing-gums en montrant sa glotte et à rire comme une bécasse. Félix est une cagole comme son prénom masculin ne l'indique pas et n'est pas à proprement parler quelqu'un qui a eu de la chance dans sa pauvre vie: famille déglinguée, quartier pourri où règnent de sombres raclures, patron qui lui saute dessus, emploi merdique, elle tente pourtant de s'en sortir grâce à la merveilleuse chimère de devenir chanteuse comme ses idoles hurlantes made in Québec entre autres. Sauf qu'elle chante comme un pied. Ce ne serait pas si grave si les catastrophes ne s'accumulaient tragiquement. Et puis, cerise on zeu cake (pas celui qui fait le kéké avec sa caisse hein, l'autre !) elle est aussi enceinte et là-dedans, bien au chaud dans son ventre, des voix s'élèvent. 

Si on ne s'éloigne jamais de la dérision avec la pointe de folie douce des poètes, il faudra bien reconnaître que ce roman est aussi implacable quand il aborde avec peu de discrétion l'état actuel de la société. Il donne aussi naissance (ah !) à un nouveau style: le "polar intra-utérin". Très noir, ce bal tragique est à déconseiller aux lecteurs dépressifs qui pourraient souvent y trouver d'amères pensées. Ecrit comme il est, il mérite toutefois sa place sur l'étagère des dégustateurs de l'ombre. C'est fait. 

N.B.: ceci est une réédition d'un roman sorti à l'origine en 2000.

254 pages, 17€

ISBN: 9782364760059

© GED Ω - 17/09 2012