
Suite de l'interview de Riff Reb's à l'occasion de la sortie de son nouvel album, Le Loup des mers, librement adapté de Jack London.
Comment choisit-on, quand on le peut, un roman à adapter ? Par exemple l'Etoile matutine de Mac Orlan assez méconnu t'a donné du fil à retordre lors d'une deuxième lecture semble-t-il ?
"Tout d'abord quand l'éditeur m'a contacté pour me proposer cette collection d'adaptations, j'ai décliné l'offre qui était accompagnée d'une liste de classiques de la littérature d'aventure que l'on avait, pour moi, déjà vu et revu. En même temps depuis la fin des années 80 j'avais envie de faire de l'adaptation et à l'époque les éditeurs refusaient, à part peut-être pour Tardi (N. D. G. : qui à l'époque illustre de main de maître Malet, Céline et Manchette, on en reparle bientôt ici bientôt !). La directrice de la collection a insisté et je venais de lire l'Etoile Matutine (voir ici : A bord de l'Etoile Matutine de Riff Reb's (Noctambule - 2009)) que j'ai trouvé fabuleux car bourré d'images, on sent au travers des pages que Mac Orlan est un peintre frustré. Malgré les problèmes éventuels de droits d'auteur pas encore dans le domaine public, le projet est lancé. Mais quand j'ai relu le roman j'ai pris peur car non seulement c'est un roman magnifique mais je me rappelai aussitôt la phrase d'Hitchcock à Truffaut : surtout ne vous attaquez pas à un chef-d-'œuvre. Comment donc le respecter et en même temps le malaxer pour réussir à l'adapter ? Et au final tout ça pousse à faire quelque chose de bien, quand on s'attaque à quelque chose que l'on trouve plus haut que soi, on s'élève: cet album m'a fait progresser au niveau du dessin, de l'écriture. J'ai toujours eu l'habitude d'être exigeant avec mon travail, avec celui-là, sûrement bien plus."
Ce qui explique le long temps de gestation ?
"Tu sais, c'est très long à faire, un an et demi pour un cent planches ce n'est pas énorme même avec un format roman graphique qui comporte moins de cases. Avant je mettais le même temps pour faire un quarante-six pages. Il faut tout compter: trois mois à l'adaptation, un an au dessin et trois mois à la couleur !"
Constate-t-on à la sortie d'une BD de ce genre le redémarrage des ventes du classique adapté ?
"Parfois oui et c'est un vrai bonheur bien que cela ne soit pas vrai pour tous. Quand un jeune me dit que mon album lui donne envie de lire le roman c'est bien, certains lecteurs me disent aussi voir mes personnages en lisant le livre. On m'a même offert la première édition du roman sortie en 1920 !"
Quid de London ? Est-ce une commande cette fois ?
"Quand l'Etoile Matutine est sorti on était déjà sur une autre adaptation, cette fois du premier roman de Perez-Reverte, Le Hussard, une histoire qui se passe en Espagne pendant les guerres napoléoniennes. Mais suite à des divergences de vue avec l'auteur, j'ai laissé tomber. Et je me suis mis à travailler sur le Vagabond des Etoiles de London pendant environ trois mois mais pour différentes raisons j'ai dû abandonner. Par contre les lectures transversales que j'avais faites autour de London pour me documenter m'ont fait découvrir un de ses romans que je n'avais pas lu, et pourtant j'en ai lu beaucoup quand j'étais adolescent, Le Loup des Mers. Et quand j'ai lu ce qu'en disait Lacassin, le meilleur préfacier et qui a fait reconnaître London en France, je suis allé l'emprunter à la bibliothèque et yes, c'était celui-là le bon."
N'y avait- il pas risque de te voir cantonné au roman maritime dans l'esprit des gens ?
"A la sortie de l'Etoile Matutine on m'a demandé si je referais un album de la même veine mais ce n'est pas mon genre d'où le choix du Hussard. Mais au final, à la lecture du Loup des mers et au moment où j'ai pu réfléchir plus calmement après le succès de l'Etoile Matutine, je me suis dit que les gens aimaient ça, que j'aimais le faire, j'ai reçu des compliments de dessinateurs sur ma façon de dessiner la mer etc., alors pourquoi pas ? Et les étiquettes, je m'en suis toujours un peu foutu !"
Suite et fin lundi !
© GED Ω - 23/11 2012
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