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Les étoiles évaluent le plaisir ressenti à la découverte des œuvres, rien à voir avec une quelconque note ! |
Tel que partit Hippolyte d’Athènes,
Par sa barbare et perfide marâtre,
Tel de Florence il te faudra partir.
Et Dante le guelfe blanc banni part de sa ville aimée pour n’y revenir jamais, il mettra le temps passé dans l’exil au service de l’écriture de sa Comédie entre autres, et la mort prématurée de son amour Béatrice l’inspire également: en compagnie de Virgile, le poète cheminera au travers d’une vraie cartographie poétique et initiatique de l’au-delà, il rencontrera sur son chemin les âmes tourmentées de l’Enfer, âmes qui au Purgatoire "envient" son corps (en tout cas le repèrent à cause de son ombre et retardent sa difficile ascension, "Ces ombres, toutes priant pour que d'autres priassent pour hâter leur sanctification"…) jusqu’à la belle scène de retrouvailles entre Dante et Béatrice, émouvante même grâce à la fraîcheur intacte du texte pourtant écrit il y a des siècles ! Au Paradis même, Dante s’enflamme :
Là je vis tant de liesse en ma Dame
Quand elle entra aux clartés de ce ciel
Que la planète en fut plus radieuse
Si la Comédie est de toute façon un véritable manuel théologique, elle est aussi une incroyable preuve d’amour, "L’amour qui meut le jour et les étoiles" et qui inspire à Dante des envolées dont on devrait prendre de la graine au lieu de décréter toujours plus d’hérésies commerciales comme la Saint-Valentin des gogos :
Mon esprit énamouré qui courtise
Toujours ma Dame, était plus que jamais
Ardent de retourner les yeux vers Elle
Et si nature ou art firent appâts
À conquérir les yeux pour avoir l’âme,
Avec la chaire humaine ou ses peintures,
Tous réunis paraîtraient un néant
Près du plaisir divin qui m'éblouit,
Retourné à son visage riant.
Combien de conversations ont-elles tenté de nous faire croire que l'auditoire entier avait pu lire sans difficulté la totalité du texte de la Comédie de Dante ? De quoi bien rire car, si ici on s'était essayé à en lire uniquement la partie infernale, on en garde les souvenirs d'une lecture ardue, composée qu’elle est d’ancien français qui se veut au plus près du texte original, c'est-à-dire en vers, traduits du (toscan) italien primitif par André Pératé. Tant et si bien que ce triptyque attendait depuis des années les mains délicates qui feraient bruire les pages du bout de l'index. D'autant que cette édition est illustrée au moyen de croquis que nul autre que Sandro Botticelli avait créés à la pointe de plomb et d’argent dans un travail destiné à l’aquarelle mais malheureusement inachevé. On reste ici persuadé que Gustave Doré est un dieu et que ses propres versions (voir par exemple l’édition Marabout poche très chouette avec le texte en prose) de ce voyage psychopompe sont définitives dans le genre. Ceci dit les sublimes reliures avec dorures et ce papier intérieur au toucher d'une incroyable sensualité pour le bibliophile accro sont une bénédiction qui poussera finalement l'auteur de ces lignes à dévorer ce fastidieux pavé.
La poésie du XIVe siècle n'a pas encore sa forme moderne et l'entreprise de traduction en complique encore plus la retranscription sous une forme compréhensible pour un enfant des années 70. Sauf qu'ici, en grand passionné, on ne se laisse pas faire et on trouve du plaisir à balancer des coups de machette dans cette jungle de mots qui énumère de plus d'innombrables personnalités historiques dont la plupart voit leur nom effacé du marbre du temps, il est vrai qu'aujourd'hui les préoccupations culturelles sont proportionnelles à la quantité de silicone implantée, au nombre de tatouages chamarrés ou aux bévues syntaxiques de microcéphales télévisuels. Ô joie donc que de reprendre dans ces mêmes paluches une encyclopédie de qualité et de chercher dans icelle l'origine de tel ou tel. Avouons d'emblée que nous ne procédâmes pas ainsi pour chaque âme (pour le coup véritablement) en peine car ce voyage a parfois des airs de gotha interminable. De toute façon :
Ne savez-vous que nous sommes des vers
Nés pour former le papillon céleste
Qui vole sans défense à la Justice ?
P. S. : dans des moments de folie hallucinatoire, on trouve agréable et parfois même hilarant de s'amuser à lire à haute voix le texte original dans la langue de l'auteur, death-y-dément, l'italien a des velléités ludiques insoupçonnées, à moins que ce ne soit plus simplement, encore une fois, un coup du whisky japonais.
Eh oui… :
Innocence et foi seulement se trouvent
Chez les tout petits; puis chacune d'elles
S’enfuit, avant que se couvrent les joues.
319 + 320 + 313 pages illustrées en noir
© GED Ω - 09/03 2015
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