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06
Mai
2015

On a pris l’habitude de frayer avec des gens qu’on aime car ils vivent sous les mêmes lois de la passion,

de l’investissement, de l’humilité et de l’humour, c’est pourquoi on va souvent voir des spectacles au Café de la Poste à Narbonne, ou seulement boire des coups, quand ce n’est pas pour signer des livres. C’est bien beau de questionner les artistes, c'est un peu moins souvent le cas des structures qui les accueillent, et ça, ça ne va pas du tout, ça fait quand même trois ans que Sandrine et Guy organisent des spectacles sans relâche. Et quand on n’est pas interrompus par un microcéphale aviné (gare à la chaise qui vole camarade !), on parvient à leur poser quelques questions…

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"On a acheté en août 2011 et on s’est retrouvés avec un restaurant-brasserie sur les bras. En fait on aurait dû mettre en place tout de suite ce qu’on voulait faire parce que quand on a acheté le lieu on s’est dit "génial, on va pouvoir faire du théâtre". On ne s’est pas rendu compte que c’était aussi un business avec des employés, beaucoup de travail de patron et nous, on n'a rien capté, on s’est laissés emporter dans la restauration, entre autres par les banquiers qui nous demandaient de rentrer des sous, alors que ce n’est pas du tout notre truc…". Mais en fait Sandrine et Guy, dès l’année suivante, mettent en place les spectacles : "on a commencé en avril 2012 avec un ami comédien qui nous a aussi aidés à nous organiser, ça s’est super bien passé avec deux spectacles complets, ce qui nous a poussés à développer cette formule. On a démarré avec un spectacle par mois sur deux jours, puis trois, jusqu’à aujourd’hui où on a deux spectacles par mois. Et on a arrêté la restauration." 

A Narbonne, le Café de la Poste était une institution, les gens venaient manger, avaient leurs habitudes et il a fallu que Sandrine et Guy expliquent à une clientèle qui mangeait dans les murs quasiment tous les jours que ce n’était plus possible : "on s’est vraiment tiré une balle dans le pied, mais pour faire quelque chose que l’on aime et que l’on sait faire. Enfin, on espère qu’on le fait bien en tout cas". Car ils ont un passé dans le milieu avec un tout petit spectacle théâtro-musical humoristique ("on était surtout connus dans le quartier") en auto-production pendant deux ans, ils ont donc continué leur parcours artistique en devenant programmateurs : "on avait déjà des idées sur les artistes qu’on aimerait avoir et le rêve s’est réalisé car ils ont presque tous accepté de venir : Michel VivouxAlbert Meslay (qui a appelé certains de ses collègues), WallyEric Toulis…  Et chaque artiste passé nous a laissé une partie de son carnet d’adresses, du coup on lançait des bouteilles à la mer et maintenant avec le temps, ce sont les artistes qui appellent pour savoir s’ils peuvent passer, ça prouve qu’ils sont bien chez toi."

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Cela tombe bien, le défi était semble-t-il de tenir un lieu populaire avec des spectacles de qualité accessibles à tous, bon marché et aujourd’hui ça fonctionne très bien, on en est témoin ! Mais avec une attitude résolument indépendante et un franc-parler qui se respecte, on se demande où le couple se voit dans le milieu culturel narbonnais : "en fait on ne sait pas, on pense que pas grand monde ne sait qui nous sommes et ça c’est juste génial parce que par exemple on s’est retrouvés une (rare) fois à manger en ville et des gens parlaient, pas forcément en bien d'ailleurs, du Café de la Poste. On fait ce que l’on veut sans chercher de place quelconque. En attendant, ce qui nous intéresse, c'est de développer le café car c’est très lourd à deux, on aimerait monter une SCOP et faire rentrer des gens dans l’esprit du Café car ici on est en famille, on a du mal à être patrons, si chacun pouvait prendre une partie pour pérenniser le lieu et ses activités, ce serait génial et moins chronophage."

"Les artistes ont besoin des lieux qui ont besoin du public, on dépend tous les uns des autres" ("comme un réseau d’espionnage" dit de loin Romain Bouteille). Comment ne pas faire de parallèle avec l’underground punk DIY avec ses zines, ses lieux, ses assos où on te reçoit sans faste superflu mais toujours avec passion ? "En fait quand tu as ouvert la porte, il faut que tu te sentes bien, comme chez toi, avec des gens accessibles et dans des conditions de découverte totale, ce n’est pas obligé qu’à une table de quatre les gens se connaissent tous, il y a même des gens qui viennent aujourd'hui et qui se sont rencontrés ici". On pourrait presque appeler ça l’humour-dating, ça en dit long sur la proximité avec la clientèle, d’autant que Sandrine et Guy placent les gens selon les affinités, les testent même pendant un moment. Pas besoin des réseaux de sorties condescendants et superficiels, les gens se pointent ici en connaisseurs, en gourmets, et parfois de loin. Genre de l’Hérault ! Yeeehaaah ! A bientôt là-bas, par exemple pour les spectacles de Jeff Didelot (7, 8, 9 mai), Pierre Aucaigne (21, 22, 23 mai) ou Jean-Jacques Cripia (4, 5, 6 juin) ?!  

Plus d'infos à :

http://cafedelapostenarbonne.fr/

 © GEDΩ- 06/05 2015

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