Chroniques Blu-Ray
08
Jan
1999

Les étoiles évaluent le plaisir ressenti à la découverte des œuvres, rien à voir avec une quelconque note !

fritz lang bluray espionnage guerre

Genre : savant compromis entre espionnage et propagande

Scénar : le 29 juillet 1939, à quelques semaines de la seconde guerre mondiale, le capitaine de l’armée anglaise Alan Thorndike a dans la ligne de mire de son fusil à lunette une cible incroyable : Adolf Hitler en personne qui jacasse sur sa terrasse de Berchtesgaden ! Plus pour mettre à l'épreuve son instinct de chasseur que pour tuer, il se demande quand même si une balle bien placée… Pas le temps d’aller plus loin dans sa réflexion, il est surpris par un soldat en patrouille. Le fait qu’il se balade avec son passeport anglais prouve bien qu'il n'était pas venu dans le but d’assassiner et puis il se trouve que l’officier allemand à qui on le remet, chasseur lui-même, le connait de ses exploits de chasse en Afrique. Pourtant, l’allemand lui propose un marché qui le condamne : il pourra rentrer chez lui s’il signe une confession impliquant son gouvernement. Thorndike refuse malgré la torture qui s’ensuit. Pour la peine, l’allemand imagine un autre plan : on l’aura trouvé au cours d’une chasse après qu’il aura fait une chute vertigineuse pas du tout accidentelle. Thorndike est alors tendrement balancé du haut d’une falaise mais l’homme des bois trouve le moyen de survivre et de s’enfuir ! Blessé, il réussit à se glisser in extremis à bord d’un bateau appareillant pour Londres, il y est recueilli par un gosse qui le cache. Mais un homme qui se fait passer pour lui et qui se doute que le vrai Thorndike est à bord fait surveiller le rafiot dès l’arrivée au port…et la chasse à l’homme recommence avec l’aide d’une impitoyable cinquième colonne déterminée à le faire disparaître…

Adaptation d’un récit de Geoffrey Household paru dans les journaux avant de devenir un roman, Man hunt permet à Fritz Lang, qui vient de tourner deux westerns aux Etats-Unis (Le Retour de Frank James et Les Pionniers de la Western Union) de changer d’univers et de s’attaquer à ce petit film au sujet plus ou moins imposé et au tournage pas super long. Fritz Lang figurant parmi les fondateurs de l’Hollywood Anti-Nazi League comme nombre de réalisateurs et de techniciens d'origine juive, le sujet est de plus parfait pour laisser passer des messages et interroger l’opinion publique du pays d’un Roosevelt pronant toujours une neutralité totale à l’heure où le tournage se met en branle. Man hunt sort avant Pearl Harbor, l’attaque japonaise de décembre 1941 déclenchera l’immédiate entrée en guerre. En attendant, la question posée par le film semble claire : n’aurait-on pas pu se débarrasser d'Hitler avant le carnage qui fait rage ? Le tireur hésitant ne personnifie-t-il pas la conférence de Munich où les démocraties de l’Ouest, parées d’une bonne volonté bonhomme, perdirent une occasion de taper du poing sur la table ? Si Fritz Lang réfutera la classification de Man hunt dans les films de simple propagande, un héros inflexible et des nazis caricaturaux sont au rendez-vous (quand on aime George Sanders ça fait toujours bizarre de le voir grimé en nazi mais ce n’est ni la première ni la dernière fois que ce très grand acteur endossera la panoplie honnie) et la fin du film est quand même assez parlante tout comme le discours furieux de Thorndike dans sa grotte.

Dans cet univers forcément très noir (on ne compte pas les pincées d'expressionnisme et les jeux d'ombre, un joli fog de studio pour camoufler une représentation de la cinquième colonne volontairement et logiquement inquiétante), une belle sélection d’acteurs permet une agréable variété de tons : la lumineuse Joan Bennett dans le rôle de Jerry se révèle très séduisante et pétillante comme tout, et provoque aux côtés de Walter Pidgeon de mignonnes scènes de comédie romantique : une jolie fille des rues très humaine et un gentleman attentionné mais un poil long à la détente font toujours l’effet escompté chez les cœurs d’artichaud. Côté sinistre, George Sanders et l’ineffable John Carradine sont pour beaucoup dans le crescendo du suspense, l’instauration d’une ambiance qui sans aucun besoin d’images explicites, parvient à glacer un minimum le sang, froideur menaçante, torture évoquée, tout comme la décapitation qui revient souvent dans la conversation pour faire joli. Le très jeune Roddy McDowall apporte avec brio une caution un brin comique avec sa gouaille et son charme naturels, petit acteur deviendra - très - grand ! Le film n’est pas forcément un grand classique du mythique réalisateur allemand mais fait passer un très bon moment de cinéma dans son beau noir et blanc, rappelle aussi que l’espionnage au pigeon voyageur, c’était autre chose que les trifouilleurs hell-ectroniques fouillant les poubelles de nos ordinateurs remplis à ras bord de conneries. Farpaitement, tes pathétiques photos de beach-volley à Falavas-Les-Plots par exemple, Narcisse !

Bonus : encarté dans ce superbe combo digibook DVD / Blu-ray, on trouve un livret rédigé par l’omniprésent Patrick Brion qui s'exprime, question de mise en page supposons, sur un ton un peu mécanique mais bien sûr très érudit, une abondance d’illustrations vient illuminer de son noir et blanc superbe une mise en page assez austère. En ce qui concerne les suppléments filmés, on a droit à une interview (60’) de Bernard Eisenschitz, auteur d'un livre sur le film et d’un autre sur Fritz Lang en général, à une bande-annonce et deux diaporamas (des photos + le storyboard - rarissime - du film) et à un autre documentaire à propos de la période allemande de Fritz Lang (54’) incluant des interventions prestigieuses (Curd Siodmark, Claude Chabrol, Volker Schlöndorff…).

P. S. : un remake de ce film sera tourné en 1977 sous le titre Rogue male avec Peter O’Toole.

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