Les Forcenés de Abdel-Hafed Benotman (Editions Clô - 1993)

[Chronique arrosée au Supremo de Colombie, un café proprement renversant…]

« Un autre monde, un esprit ailleurs, une voix dans la nuit : Il m'est arrivé de vouloir me réinsérer mais, à force de tourner en rond, pendant des années, dans les cours de promenade de prison, il est dur de marcher droit du jour au lendemain... »

Abdel-Hafed Benotman procède par facettes comme un prisme qui se laisserait découvrir petit bout par petit bout (façon puzzle, of course). Certaines de ces nouvelles sont empreintes de poésie, d'autres cruelles, le style est du coup changeant, il y a fort à parier que certains n'aimeront pas tout ce recueil d'un bloc. Ceci dit on a affaire là à une sacrée plume au ton juste qui raconte la vie de l'enfermement, fût-il pénitentiaire ou mental, sur un ton acide et tragiquement lucide. Certains personnages sont extrêmement, profondément dépeints avec l'œil d'un véritable expert. La mise en scène est par ailleurs efficace, souvent criante de vérité avec le passé carcéral de l'auteur pour témoin.  

Un premier recueil surprenant qui démontre déjà un sacré talent et que l'on conseillera à ceux qui fatiguent (enfin !) d'arpenter les sentiers tout droits du polar de Papa. Foin de caricatures ici, ce sont les tripes qui causent et la bouffée d'air frais (?!) est à acclamer. 

On retrouve, si la mémoire est encore valide, certaines bribes dans l'excellent et poignant Eboueur sur échafaud (« Il n'y a pas de justice, il n'y a que des lois et j'en suis hors depuis l'âge de quinze ans »…) que l'on retrouvera ici même bientôt. 

151 pages

ISBN: 2909645010

Voir aussi: Marche de nuit sans lune de Abdel Hafed Benotman (Rivages - 2008)

© GED Ω - 19/02 2013