|
Les étoiles évaluent le plaisir ressenti à la découverte des œuvres, rien à voir avec une quelconque note ! |
Genre : Tell est pris ? Qui croyait prendre ?
Scénar : en 1291, la paix qui règne dans les Alpes des Waldstätten est soudain compromise par l'arrivée du bailli Gessler qui a été chargé de prendre le contrôle d'une voie stratégique pour le compte des Habsbourg. Les rudes mais paisibles habitants des trois cantons qu'il traverse commencent alors à se faire harceler par les soldats qui cherchent à voler leurs biens et à donner libre cours à la violence. Un des baillis nommés par Gessler se fait logiquement assassiner par un homme à qui il voulait violenter la femme, le couple s’enfuit et quand Gessler apprend que Guillaume Tell a aidé les fugitifs, il le fait poursuivre. Mais prendre un chasseur pour gibier n'est pas toujours aisé et puis quand un nobliau de bas étage oblige la population à saluer un chapeau, il ne faut pas s’étonner ensuite d’un certain agacement général, pas vrai ?
La Suisse mythique est au rendez-vous, c’est parti pour les paysages à tomber célébrés par les instruments de musique typiques (le cor des Alpes, ça a de la gueule !) : les Alpes, la neige, les arbres bien verts, ceux que l'on coupe à la scie comme ceux qu'on laisse pousser tranquillement… Et avec ces décors de rêve viennent les chouettes costumes et la musique, et puis ces couleurs vives, ces jolies images d'animaux… Z’ont tout de même intérêt à faire gaffe ceux-là, en particulier à ce colosse en sandalettes (interprété par Robert Freitag) qui gravit les montagnes comme qui rigole avec son œil de lynx et l’arbalète qui va avec. Car on oublie souvent que malgré la proverbiale neutralité de la Suisse, celle-ci a toujours donné naissance à des guerriers redoutables.
Adaptant librement la version Schiller de la légende de Guillaume Tell, Michel Dickoff et Karl Hartl auraient carrément pu donner du fil à retordre aux anglo-américains Ivanhoé, Robin des bois ou Quentin Durward si leur film n’avait pas été à l'époque, par rapport à un tournage extrêmement onéreux, un flop. Triste, car ce Guillaume Tell, après une douzaine de films tournés depuis la naissance même du cinéma, avait tous les atouts pour cartonner : un héros manichéen (bien que celui-ci ne fasse pas dans le discours bavard mais bien dans l'action) entourée d’une belle famille, une princesse craquante, un bouffon punkoïde, des seigneurs rapaces, un traître à la destinée funeste, des acteurs à la hauteur pour les incarner, une jolie valse de bateau sur un lac furieux et bien sûr la mythique scène de la pomme-cible posée sur la tête du fils Tell. Dommage. Du coup, c’est un vrai cadeau que de pouvoir redécouvrir ce film dans cette version impeccable en combo DVD / BR !
Bonus : si les suppléments vidéo sont cette fois-ci rachitiques (Sur le tournage, 1’ d’images du tournage de la scène du lac - astucieux effet au passage -, diaporama d’affiches et de photos, bandes-annonces anglaise et allemande…) le livret central de quatre-vingts pages, intitulé Guillaume Tell, de l’Histoire à la légende, est quant à lui une vraie mine pour qui s'intéresse à l'histoire de l'Europe, à celle de la Suisse en particulier bien sûr. Richement illustré, le travail de David L’Epée revient sur le contexte historique du récit qui nous concerne, celui qui voit les trois cantons primitifs de la pré-Suisse confrontés à la famille hégémonique des Habsbourg. La figure semi-mythique de Tell, récupérée à la fois par les conservateurs et les révolutionnaires, les artistes et les publicitaires, est toujours un sujet explosif quand on veut démêler la légende de l'histoire. Il est d'autant plus passionnant d'en lire et savoir plus, merci donc à l'auteur pour ce texte très bien documenté et cette bibliographie solide dans laquelle nous ne manquerons pas de piocher pour aller encore plus loin.
Infos / commande : https://www.artusfilms.com/contes-et-legendes-d-europe/guillaume-tell-285
Ne partez pas sans avoir "aimé la page", retrouvez tous les articles, vidéos et reportages sur votre mur. Soutenez Nawakulture en vous abonnant à la page Facebook et en partageant les chroniques.