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Genre : le drame de la solitude voulue
Scénar : le patron menaçant de « flanquer à la porte » celui qui fera le moindre bruit, tout le monde a intérêt à marcher sur la pointe des pieds dans la propriété du richissime Monsieur Lacalade. Celui-ci attend en effet l'heureux événement de sa belle-sœur venue de Saïgon et qui risque d'accoucher à tout moment. L'arrangement entre les frères veut que la mère repartira ensuite auprès de son mari et que Lacalade gardera près de lui et élèvera un temps l'enfant qu'il voit déjà être un garçon portant son prénom, Armand. Il a d’ailleurs déjà fait remplir la future chambre de l’enfant à naître de jouets de garçon. Ravi d'avance de cette tâche, Lacalade reconnaît à son ami médecin avoir passé une vie de parfait égoïste : il est toujours resté seul sans mariage à l’agenda, ce qui ne l'a pas empêché de faire des enfants au nombre de quatre à des femmes qu'il a refusé d'épouser pour des histoires de position sociale. Le ciel lui tombe sur la tête quand le nourrisson meurt. Son vieux cœur en prend un coup, sa grande maison vide lui pèse, il rechigne même à voir son ami. Mais celui-ci est têtu et entreprend de convaincre Lacalade de se rapprocher de ses fils dits « illégitimes » qu’il ne connaît même pas. Et Armand finit par le faire. Mais ces enfants sont-ils prêts à voir apparaître un père prodigue ?
Produit par la firme aux capitaux d'origine nazie Continental Films, Péchés de jeunesse est le type même de film écrit et réalisé pour faire passer un moment hors du temps et de l'espace à une population française qui devait sans nul doute passer de très mauvais jours sous l'occupation allemande. L’histoire de ce bonhomme riche et égocentrique qui tente de renouer avec ce que le titre qualifie comme des fautes n’est pas nouvelle, des tas de récits ont déjà vu les remords et la solitude pousser des mères et des pères à tenter de retrouver leur descendance dans un climat plus ou moins à l'eau de rose, ici plutôt diluée par des touches d'humour pas désagréables. Mais si le scénario - vraiment pas le meilleur des pourtant chevronnés Charles Spaak et Michel Duran - n’est pas du genre à révolutionner quoi que ce soit de l'histoire du cinéma, l'immense acteur Harry Baur fait clairement la différence avec les autres films du genre en alternant les scènes où son personnage pique des crises de colère tout à fait typiques des gens fortunés qui se croient tout permis et celles où il montre une facette touchante, heavy-demment suscitée par la proximité des enfants qui ont death-y-dément un pouvoir sans limite quand il s'agit de dérider leur monde et de faire craquer les réticences les plus solides.
Les petits rôles sont aussi savoureux et si tout le monde n'a pas fait une grande carrière ensuite, on aime toujours reconnaître les visages d'acteurs que l'on apprécie beaucoup et qui eurent une filmographie féconde comme Marcel Pérès ou Robert Rollis. Celui dont la carrière va s'arrêter très bientôt est en fait la vedette du film qui fait ici son avant-dernière apparition avant une des affaires les plus troublantes de l'histoire du cinéma sous l’Occupation. Les nazis ont voulu contraindre l'acteur de venir tourner en Allemagne tout en lui spécifiant qu'il ne pourrait pas refuser. Harry Baur essaie alors de trouver des prétextes (santé, langue qu'il ne maîtrise pas) mais sa femme qui ne peut prouver son « aryanité » est arrêtée et l'acteur finit par signer le contrat qu'on lui tend. Un contrat médiatisé au point que l'opinion voit d'un très mauvais œil son départ chez « l’ennemi ». L'acteur contrarié multiplie les gestes d'humeur envers ses hôtes qui n'arrivent toujours pas à statuer sur la judaïté ou non de son épouse (musulmane !). Le tournage effectué bon gré mal gré, les époux Baur seront harcelés, emprisonnés, dénoncés par d'anciens amis qui les soupçonnent de s'être « enjuivés » (charmante époque qui vit ses lendemains encore de nos jours). Harry Baur, torturé, mourra très vite de ses blessures.
La conclusion de cette histoire est aussi ubuesque que son début : le film (Symphonie d'une vie, réalisé par Hans Bertram) sortira en 1943, quelques jours après la mort de l'acteur, tandis que le responsable des calomnies qui le menèrent à la mort, Édouard Bouchez, sera acquitté après la Libération. Douce France…
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