Chroniques DVD
16
Jan
1999

Les étoiles évaluent le plaisir ressenti à la découverte des œuvres, rien à voir avec une quelconque note !

Deux films des débuts de Kurosawa dans un coffret tout bête, hop, let's go !

La Légende du grand judo de Akira Kurosawa (avec Denjirō Ōkōchi, Susumu Fujita…) 1943

Genre : arts martiaux au cinéma, année zéro ?

Scénar : en 1882, Shogoro Yano, le créateur du judo, est menacé par une école locale du jiu-jitsu qui voit dans l’efficacité de cette nouvelle discipline un poste d’instructeur de la police leur échapper. Un des nouveaux élèves de l’école décide de suivre Shogoro après l'avoir vu défaire ses assaillants, il deviendra son disciple. Mais enseigner le judo à celui qui ne suit pas « la voie de l'homme » équivaut à « donner un couteau à un fou », le maître sermonne sèchement son élève et le congédie jusqu'à ce qu'il comprenne la leçon. Mais un jour on prévient l’école de judo : « le jour viendra où jiu-jutsu et judo devront s’affronter à mort »…

Adaptation d’un roman, La Légende du grand judo est le premier film de maître Kurosawa, ici remasterisé. Produit pendant la seconde guerre mondiale, il fut censuré et amputé de quelques scènes qui n’ont jamais été retrouvées. Il démontre toutefois la valeur d’un cinéaste en avance sur son temps en préfigurant - avec très peu de violence visible - les films de Bruce Lee et consorts (guerres d’influence entre écoles rivales d’arts martiaux etc.) qui exploseront trente ans plus tard. Kurosawa use de poésie dans son récit en montrant le temps qui passe au moyen d'une chaussure abandonnée au fil des saisons, filme les plantes, les animaux, la lune, l’eau, les nuages, mais use aussi du ralenti, du portrait en gros plan pour accentuer les ambiances et les sentiments, jusqu’à faire de certaines images de vrais tableaux (comment ne pas qualifier Kurosawa de cinéaste de la pureté lors de la scène de la fille en prière ?!).

Il tente parfois de se mêler un peu d’idéologie aussi, par exemple en pointant du doigt l’éternelle rivalité entre brutalité et voie de la sagesse (ne peut-on y voir un rapport avec l'histoire contemporaine du film ?), l’ « opposition » entre japonais occidentalisés et tenants de la tradition, le choix cornélien entre amour et honneur pour une voie bien difficile à tenir… Et qui mieux que Susumu Fujita, qui partage avec les géants Mifune et Kitano un vraie charisme physique nuancé par un regard pétillant, pour exprimer toutes ces dualités ? Un film trop méconnu qui mérite une meilleure diffusion, ne serait-ce que pour expliquer un peu le cinéma d’arts martiaux à ceux qui découvrent le genre avec des films fort tardifs.

Bonus : commentaire de Christophe Gans et Jean-Pierre Jackson, « Kurosawa à propos du film (1986, 3’), « Quelques films d’arts martiaux japonais » (bandes-annonces de la série Baby Cart, et de La Légende de Musashi, Hara-kiri et Sanshiro Sugata, le remake de 1965 de la Légende…), archives de scènes de combat avec l’inventeur du judo, Jigoro Kano (1860-1938), qui a évidemment inspiré le personnage de Shogoro Yano (3’).

La Nouvelle légende du grand judo de Akira Kurosawa (avec Denjirō Ōkōchi, Susumu Fujita…) 1945

Genre : suite…

Scénar : Yokohama, 1887. Sugata corrige un marin américain raciste et brutal en le balançant, comme jadis son maître le fit avec ses ennemis, à la flotte ! Il propose au coolie agressé de le protéger, celui-ci s’engagera aussi dans le judo. Plus tard, un boxeur américain en tournée propose un match à Sugata mais celui-ci refuse de se donner en spectacle dans ce « combat de coqs ou de chiens avec des hommes ». Mais il va quand même voir le combat, qui opposera le boxeur à un maître de jiu-jitsu, et tente de l’empêcher, considérant que c’est souiller les arts martiaux que de les confronter à la boxe. Mais si le judo n’avait pas ruiné le jiu-jitsu, celui-ci n’aurait pas que les combats pour vivre. Cette terrible révélation fait envisager à Sugata d’arrêter le judo mais son maître l’en dissuade car d’autres défis l’attendent déjà : les frères de Gennosuke, son adversaire final dans le premier épisode, se sont convertis au karaté et viennent défier Sugata. Yano interdit le combat mais quand des attaques sont portées contre les membres de l’école, il devient inévitable…

Deux ans après le premier épisode, on prend les mêmes acteurs et on recommence bien que La Nouvelle légende se distingue par plus de comédie dans la mixture (regardez-moi donc ce traducteur qui interprète la boxe, ou la chute risible du pousse-pousse…) mais aussi plus de drame avec des personnages profondément blessés ou tourmentés (les frangins karatékas sont visiblement très atteints, sans parler de notre pauvre Sugata…). Et pourquoi pas, encore, un poil de politique avec le portrait sévère - mais sûrement juste quand on y réfléchit deux minutes - des mécréants américains ?

Susumu Fujita montre encore une fois qu’il est un très bel acteur, très touchant dans ce rôle d’un guerrier plein de compassion, bien plus crédible ensuite face à des sauvages aux chorégraphies et cris de combat vraiment too much, autant que ceux des descendants cinématographiques à venir ensuite au Japon mais aussi dans toute l’Asie.

https://www.youtube.com/watch?v=NiA4vMD3Vs8

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