Chroniques DVD
09
Avr
1999

Les étoiles évaluent le plaisir ressenti à la découverte des œuvres, rien à voir avec une quelconque note !

Les deux premiers David Cronenberg ou le cinéma anti-popcorn 1

 

Stereo

Genre : nébuleux

Scénar : Au Nord de l’Ontario un hélicoptère arrive, s'approche d’un gigantesque bâtiment que l’on croirait presque abandonné de toute vie humaine, l’étrange personnage capé qui en sort regarde partir l’appareil. Cet homme fait partie d’un groupe de volontaires qui ont été isolés trois mois dans un institut après une opération chirurgicale sur le cerveau qui leur permettrait de développer leurs pouvoirs télépathiques. On observe les relations qui s’installent entre eux ou que l’on suscite par le biais de médicaments, voire par l’emprunt d’itinéraires plus paranormaux…

Avertissement : si les polysyllabophobes vont forcément mourir d'ennui (seules des voix off se font entendre, elles livrent sans discontinuer un discours très technique à propos de la conduite des « sujets » qui eux ne s’expriment pas directement en dehors de leurs gestes), les cinéphiles eux se sustenteront de la grande originalité d'un univers pourtant naissant chez l'ovni canadien, David Cronenberg est en effet déjà très intéressé par l’expérimentation sur l'humain, son corps et sa psyché, la télépathie, la prise de drogues (un lien avec l’œuvre ultérieure de Charles Burns saute aux yeux) et questionne dans son esprit tortueux ce qu’il nomme l’« omnisexualité » avec un certain sens de l’érotisme, parfois à la limite du glauque, toujours aventureux.

Stereo est impeccablement filmé, étrange à souhait car tourné en silencieux dans d’immenses décors de bâtiments pur béton aux formes brutales (magnifiés de plus par un noir et blanc superbe) et de longs parcours hyper symétriques et d’un froid clinique. Dans une ambiance étrange que ce silence que l’on a spontanément envie de remplir, on peut se demander quelle est la part d'improvisation dans un jeu parfois énigmatique entre documentaire scientifique et réalité, le réalisateur brouillant volontiers les pistes avec un jeu sur des images ralentis, altérées, jaillissant comme des flashes… Incompréhensible pour beaucoup, ce premier Cronenberg montre de superbes acteurs à l'œuvre dont plusieurs réapparaissent d'ailleurs dans le film suivant :

 

Crimes of the future

Genre : nébuleux 2 - Le Retour

Scénar : Antoine Rouge a eu une immense influence sur un institut aux études tarabiscotées, la Maison de la Peau, et il a de plus été le découvreur d’une maladie qui avait soudain décimé d’innombrables femmes de par le monde à la suite de leur utilisation massive des cosmétiques. Quand le chercheur disparaît, il laisse sur place une communauté désemparée qui cherche à sortir la tête de l'eau par des moyens pseudo-scientifiques. Leurs études diverses n’empêchent pas les membres de cette drôle d’assemblée de prendre aussi leurs pieds, dans tous les sens du terme.

Cette fois-ci tourné en couleurs, Crimes of the Future demeure dans le même genre - une anticipation parfois fort flippante - que le précédent travail de David Cronenberg avec une fois de plus des commentaires à la froideur clinique (ceux d’Adrian Tripod, le personnage principal) superposés à des séquences muettes, sauf qu’ici de nombreuses images (farcies de détails bizarres, heavy-demment…) s'apparentent à de vrais tableaux de maîtres si ce n'était cette bande sonore cheloue composée de chants d'oiseaux, de stridences et autres bourdonnements qu’un silence de mort assomme régulièrement dans d’immense lieux qui rappellent immanquablement ceux du film précédent.

L’univers inquiétant de l’expérimentation, le sang, les sécrétions, la parapsychologie, les déviances (la pédophilie est même abordée parmi d’autres), tous les thèmes sont encore et déjà là, les ambiances glaciales aussi, on peut décemment dire que David Cronenberg savait depuis longtemps ce qu'il voulait réaliser et de quelle manière. Déstabiliser le spectateur pour le contraindre à entrer plus loin dans le propos touffu du film, en faire un spect-acteur qui aura du mal à sortir d’une brume sciemment et savamment répandue. On aime ou on déteste mais on ne peut rester indifférent, au moins à ce travail d’enchevêtrement des sens que Cronenberg met à l’épreuve avec un plaisir certain, du moins le soupçonne-t-on chez cet impénétrable créateur…

Bonus : livret qui déplié forme une affiche de Stereo et sur son verso une argumentation du réalisateur

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