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Les étoiles évaluent le plaisir ressenti à la découverte des œuvres, rien à voir avec une quelconque note ! |
Genre : KubricKing
Scénar : l’angoisse de la page blanche et le besoin de calme aidant, l’écrivain Jack Torrance obtient le boulot de gardien d’un hôtel ancien isolé de tout en plein Colorado, l’Overlook. Le fait qu’il ait stoppé l’abus d’alcool peu de mois auparavant, que l’hiver extrême tout en vent et en neige mais aussi la solitude d’un fauve en cage mettent à mal sa santé mentale, tout ça ne va pas arranger un bonhomme déjà pour le moins tourmenté. Et bien mal en a pris à sa famille, sa femme Wendy et son jeune fils Danny, de suivre le père dans cette aventure à l’issue incertaine, en effet nul n’est en sécurité quand la folie s’instille peu à peu, quand le Mal règne - peut-être - sur une immense baraque déjà naturellement peu rassurante. L’étrange pouvoir médiumnique de Danny, que personne, pas même lui, ne semble avoir réellement remarqué, empêchera-t-il l’infortuné Jack de sombrer, de succomber à des instincts que lui-même n’aurait pu soupçonner ? En attendant, la famille s’installe et l’équilibre entre la réalité et le cauchemar ne tarde pas à se distordre, comme si l’entrée de l’hôtel était une sorte de porte où le temps, l’espace et les personnalités tendaient à être violemment secoués dans tous les sens, les présences de tout un tas de personnages en les murs rendant encore plus compliquée la volonté des âmes Torrance de rester unies…et bienveillantes.
La musique sinistre qui accompagne la Cox sur la route met direct dans l'ambiance : on est pas sur le chemin de la colo, Stephen King + Stanley Kubrick + Jack Nicholson = ce n’était pas possible autrement. MAIS si personne ne pourra nier ensuite la présence dans le lecteur d’un chef d’œuvre de l’épouvante à tendance fantastique, le roman sur lequel est basé le film est tout de même, certes partiellement, un peu laissé de côté au fur et à mesure. En effet d’un roman sur l'alcoolisme et ses effets néfastes, Kubrick fait un film sur la folie voire la possession, axe principalement les décors et les comportements de ses personnages sur le côté horreur visuelle plutôt que sur la psychologie, omniprésente dans le livre, d’où de sérieuses différences avec le bouquin : beaucoup de détails raccourcis, gommés, lissés ou ajoutés. De quoi mécontenter les fanatiques de Stephen King dont nous sommes depuis des décennies. De là à bouder le film il n’y a qu’un pas mais nous ne le franchirons pas. En effet, on peut facilement, tout comme la majorité du public qui n’a jamais - snif - lu ce roman génial, dissocier les deux œuvres, parler de réinterprétation ou d’adaptation au climat de la sortie, secouée par une série de films d’horreur qu’il fallait contrebalancer par un autre dont le scénario tenait debout, ZE faille de nombre de succès horrifiques.
Et pour le coup, Kubrick se révèle un maître, d’abord dans le choix de ses acteurs : Jack Nicholson est comme d'habitude excellent (non mais ce visage est juste DINGUE !), Danny est bien moins « crédible » que le personnage du livre qui vit de véritables tempêtes mentales mais ne s’en sort pas mal du tout (la scène du Redrum est une des plus stressantes de l'univers avec la voix de crapaud de Danny qui annonce la catastrophe finale) et les seconds rôles (notamment les habitants de l’Overlook) ont de la gueule aussi. Le territoire du bâtiment est également un acteur à part entière (les frissons sont toujours là, tapis dans les couloirs et bien sûr le labyrinthe, malgré la neige factice), le décor de maison hantée qu’il fallait pour un final monumental. Réécriture visuelle efficace mais pas assez forte (l’extrême tension crescendo du bouquin peut-elle vraiment être atteinte ?) et parfois un peu décousue, Shining reste un classique malgré un générique bleu fluo très laid, grâce aux acteurs bien sûr mais surtout grâce à une bande originale de Wendy Carlos et Rachel Elkind (Ligeti et Bartok sont aussi de la partie) absolument géniale, singeant peut-être parfois l’angoisse des acouphènes nocturnes, ou la stridence des ongles rayant un tableau noir de classe, elle horrifie plus encore que tout le reste, ça c’est de l’habillage sonore noundidiou !!
Bonus : documentaire sur les coulisses de Shining par Viviane Kubrick (Nicholson, bien qu’aussi dingue dans la vie normale, répète son rôle, Scatman pleure, Danny compte ses sous et Kubrick improvise pendant que Shelley se plaint un peu beaucoup, on devine une ambiance tendue mais studieuse, 35’), bande-annonce qui résume tout en une minute trente : du sang et des cordes méchamment dissonantes !
P. S. : pas franchement emballé par cette adaptation peu fidèle, Stephen King tournera lui-même une version pour la télé, elle est aussi très réussie.
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