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[Publié à l’origine dans C Le Mag N°170 - director’s cut]
« Mon corps et mon esprit allaient s’effondrer. Cependant, je me rappelai être un aviateur de l’armée navale : je ne pouvais fléchir sans honte. Je repris courage et me mis au garde-à-vous ».
Car ces souvenirs de pilote sont aussi ceux d'un kamikaze. Contre toute attente, en juin 1945, les dieux refuseront un de ces innombrables sacrifices inutiles et laisseront même vivre le passage à l'an 2000 au miraculé. Sa famille a ensuite désiré rendre ses mémoires publiques pour documenter un peu plus ce qui reste pour le plus grand nombre une énigme historique. Qu'est-ce qui poussa donc ces jeunes hommes à accepter ce destin ?
L’armée japonaise a tant censuré leurs lettres d'adieux qu'il est heureux d’enfin pouvoir lire un récit livré sans contrainte, il est d’autant plus intéressant car, outre le respect et la fascination pour ses camarades qui partent les uns après les autres, la question de savoir s'il faut informer les proches de cette affectation, sa peur, son rapport à la mort, à la religion - tout s'affole quand la fin a soudain une date et on imagine sans peine l'horreur des « rangements d'affaire » et les cérémonies de départ des kamikaze avant l'éventuelle mort plusieurs fois reportée chez des gosses de 18 ans - Ogawa livre sa réflexion profonde, sa critique et son incompréhension face à l’attitude dépourvue d’honneur d'une hiérarchie qui jette sans scrupule ces jeunes hommes dans le brasier de la guerre en sachant pertinemment que les jeux sont faits.
« S’ils nous avaient dit " Moi aussi, je vais mourir avec vous !" ou "Allons ensemble, kamikaze, pour notre patrie !", peut-être aurions-nous pu les comprendre. Mais à la place, ils osaient nous imposer, à nous seuls, de mourir pour la patrie. »
Et puis la peur légitime de faillir lors de la mission s'oppose au déshonneur éventuel de sa famille, la gêne de revenir vivant quand d’autres tombent toujours plus nombreux au moment où la nasse se resserre quand l'URSS envoie maintenant des avions au-dessus de la Corée occupée et déclare enfin et opportunément la guerre au Japon en cette veille de guerre froide. Pour l’anecdote, Ogawa Kikumi sera, sans le savoir, aux commandes du dernier Zero qui volera au-dessus du Japon. Un document qui rappelle, s'il fallait encore le faire, que la guerre est toujours un effroyable échiquier aux mains d'une classe dirigeante toujours encline à tourmenter son monde.
149 pages avec quelques photos en noir et blanc en fin de volume, 16,50 €
ISBN : 9782343133379
P. S. : pour aller plus loin, voir L’Aventure kamikaze de Jean-Jacques Antier (Presses de la Cité - 1986) ou, du côté allemand, Les Kamikazes de Hitler de Christoph Weber 2005.
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