Documentaire
04
Aoû
1999

Les étoiles évaluent le plaisir ressenti à la découverte des œuvres, rien à voir avec une quelconque note !

revolution russe journal intime femme libre

« Je suis une dilettante, au sens total, authentique de ce mot. Je sais faire beaucoup de choses superficiellement mais en fait, véritablement, je ne sais rien faire »

Sauf que, Madame, l’histoire « officielle » se doit d'être toujours plus documentée par la « petite », celle écrite dans l'urgence de l’instant par des gens pas formatés par les techniques de rédaction. Et il va de soi qu'on ne peut bâtir l’Histoire qu'à partir du récit d'une seule personne, c'est l'assemblage toujours plus immense et méticuleux qui forme ce dont devraient se souvenir les gens d'après. Et en cela La Fin de ma Russie, journal intime construit au jour le jour pendant la première guerre mondiale, est un document historique et géopolitique précieux.

A partir du 3 août 1914 (un cahier précédent a été perdu à Kiev because période chaotique), la princesse raconte avec beaucoup de vivacité une guerre d'abord de mouvement dans le fond puisque la terre ne fait que passer d'une main à l'autre (et l'armement Krupp y est déjà pour quelque chose), elle bout pour sa part de s'engager dans les hôpitaux pour soigner les soldats mais rapidement c'est l'exil vers Kiev, Moscou, Petrograd… Malgré tout à l’action, la jeune fille se rend compte sur le tas que son souhait de devenir infirmière la voit confrontée avec l'horreur des blessures et si elle fait preuve d'une grande piété, l’espoir laisse bientôt la place à la colère et à la peur. Car la guerre c’est aussi le froid, les mauvais rêves, les queues devant les magasins et l’augmentation des prix qui vient avec, ainsi que le marché noir, la pagaille dans les transports en commun et la Mort, bien sûr, quand des connaissances, puis des proches commencent à tomber sous l'uniforme. La jeune fille est d’ailleurs persuadée qu'elle mourra jeune comme sa sœur Natacha (raté, elle s’éteindra à presque quatre-vingt-dix ans), elle fantasme même sur cette Mort qui la sauverait de voir ses proches tomber avant elle puisqu’elle ne pense pas pouvoir vivre sans eux.

En 1917, « un nuage noir se tient au-dessus de la pauvre Russie et personne ne peut imaginer comment il se déchargera » et au cas où quelqu'un n'aurait pas suivi, le récit d’une noble ne pouvait qu’être à charge face à la révolution bolchévique où elle ne voit que traîtrises et déchirures entre factions différentes, elle souffre devant les terribles vicissitudes de l'Ukraine, qui devient un véritable terrain de manœuvres pour des armées très diverses qui se disputent souvent le pillage, elle ressent une terrible honte quand la Russie demande une paix séparée et laisse tomber ses alliés sur l'autre front, quand l'arrière cesse soudain de soutenir l'armée au front qui en a pourtant bien besoin, quand les intrusions étrangères dans le sort de la Russie se font de plus en plus nombreuses, quand a lieu l'instauration, avec tous ces soubresauts dont l'histoire du monde a le secret, d’une révolution qui dégènère rapidement en une dictature à peine camouflée, successivement instaurée par les uns comme par les autres suivant comment tombe le calendrier. La chasse ouverte au « bourjoui », la destruction des propriétés, l'assassinat des officiers et la remise au peuple ouvrier de tous les biens des propriétaires provoquent la terreur chez les castes à particules.

Malgré le regard parfois amusantet paradoxal d'une jeune fille s’enflammant pour certains idéaux des gens de basse extraction et qui fait parfois preuve d’une relative compréhension (« nous n'y pensons pas, mais il est vraiment tout à fait naturel que cette haine contre nous soit une haine issue de l'envie qui devait éclater un jour ou l'autre »), ses allusions que les Juifs seraient à la solde des autrichiens, les descriptions et les épithètes dont elles les habillent, ses réflexions de petite péronnelle au sujet du manque de domestique font aussi de La Fin de ma Russie les mémoires d'une enfant gâtée dont la vie ne fut sûrement pas drôle tous les jours mais qu’elle n’aurait certainement pas échangée contre celle des Russes qui crèveront par milliers de faim, de froid et de maladie à la même époque, elle échappa à tout ça grâce aux moyens que sa position sociale et ses soutiens lui procurèrent. Toute envie de morale mise à part, il n'empêche que cet épisode de l'histoire n'en est pas moins très authentique à sa façon, plus en tout cas que l'attitude guerrière de cette jeune fille revêtant l'uniforme en couverture, en tout cas bien plus encore que ce monceau de biographies politiques posthumes sans cesse réécrites qui pullulèrent ensuite, du côté adverse entre autres.

C’est dans le sang de l'homme que réside la cause éternelle : sa volonté de puissance. C'était bien la peine de le doter d’un cerveau qui lui permettait de vivre en bonne intelligence avec ses semblables…

394 pages avec quelques photos en noir et blanc mais aussi des notes postérieures de l'auteur, 10,50 €

ISBN : 9782752902955

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