Chroniques romans
27
Mar
2002

Les étoiles évaluent le plaisir ressenti à la découverte des œuvres, rien à voir avec une quelconque note !

daeninckx tignous guerre algérie roman

« Ce livre a paru pour la première fois en 2002 aux éditions Liber Niger / Les 400 coups »

et après l'exécution de la rédaction de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015, Daniel Daeninckx avait de quoi dire dans l'avant-propos de cette réédition, il s’y contente d'être sobre et c'est très bien.

Deux jeunes gens se retrouvent au concert de Gilbert Bécaud qui fait un tabac et, le public du chanteur étant visiblement aussi ravagé que celui plus tardif de son successeur sur les planches de l'Olympia Johnny Hallyday, les deux hommes se joignent en fin de spectacle aux sauvageons qui jouent au saccage de salle. Interpelés illico, les deux se voient contraints de partir pour l'Algérie en avance et on voudra bien effacer leur ardoise en échange. Jacques lui fait ses classes en Allemagne tandis que le narrateur se retrouve parachutiste dans un environnement où il ne fait pas bon être un dégonflé. Mais ce n’est RIEN par rapport à ce que la population algérienne subira… Philippeville a été le théâtre d’événements sanglants, les bleus croisent des morts et des blessés quand ils accostent, ça promet… Le narrateur franchit vite une ligne rouge que la hiérarchie tente de minimiser en le mutant dans un service où ses capacités intellectuelles le désignent pour l'action psychologique et le renseignement. Il ne tardera pas à plonger et à plutôt bien vivre l’horreur de la réalité de cette guerre…

Daniel Daeninckx retranscrit bien un climat de confusion totale : pourquoi envoyer une armée aussi impressionnante face à un peuple qui à première vue est plutôt du genre pacifiste ? Pourtant celui-ci va montrer qu’il sait se défendre et donner du fil à retordre à une armée qui commence à recourir à des moyens que la morale réprouve. Des innocents y passent (le traitement ignoble des civils, quand il ne s'agit pas de massacres, est indescriptible mais la sinistre « corvée de bois » ne portera pas bonheur à tous ceux qui l'infligent), des journalistes aussi, mais les « rebelles » vivront un vrai martyre, les auteurs relatent les bombardements au napalm mais aussi les cachots dans lesquels on enferme les suspects que l'on soumet à à la torture, certains s'y découvrent une vocation (on décrit un homme qui s'amuse à fabriquer avec des morceaux de corps de prisonniers des objets de cuir tanné ou à base d'os, les squelettes de prisonniers deviennent des bibelots tandis que la gégène commence ses ravages parmi les pauvres types que l'on croise sur le chemin où il n'auraient pas dû se trouver…

Un réquisitoire pur et simple sur l’une des pages les plus sombres de la décolonisation dont les illustrations rappellent à quel point Tignous était un artiste formidable dans son art de croquer les personnalités mais aussi les paysages.

90 pages illustrées en couleurs

ISBN : 9782070467563

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