Documentaire
16
Mar
2020

Les étoiles évaluent le plaisir ressenti à la découverte des œuvres, rien à voir avec une quelconque note !

marie grosset atsem livre éducation maternelle

N. B. : on emploiera généralement le féminin ici car peu d'hommes sont cités et ne sont de toute façon pas ATSEM.

La confession d'une de ses amies à l'auteure l’a poussée à écrire ce livre, décidée à briser l’omerta autour du statut des ATSEM, autrement dit les Agents Territoriaux Spécialisés des Écoles Maternelles. Occupant elle-même cette fonction, Marie Grosset définit ainsi son métier : « à peu près tout ce qu'un enseignant avec qui nous travaillons en binôme ne fait pas, ne peut pas faire, ne sait pas faire ou ne veut pas faire. » Le statut particulier de ces ATSEM est d'avoir comme supérieur(e) la ou le maire mais d'être placées sous l'autorité de la direction de l’école dans l'assistance du personnel enseignant dans des domaines définis : réception et animation auprès des très jeunes enfants ainsi que préparation et mise en état de propreté des locaux et du matériel servant directement à ces enfants.

Pourtant elle s'aperçoit ces dernières années que c'est beaucoup plus que l'on demande aux ATSEM qui vivent parfois leur journée comme un véritable calvaire, certaines sous l'autorité d'une directrice aigrie, certaines aux côtés de collègues qui ne se maîtrisent plus, de quoi remettre en question le bon fonctionnement d'un établissement scolaire quand les conflits et un sale climat se sont installés, tout ça toujours par la faute de l'exercice du pouvoir, dit par l’auteure, « de pacotille ». Marie Grosset a donc choisi d'écrire sur cette notion de pouvoirs nocifs tout en recueillant les témoignages de nombre de collègues du personnel des écoles afin de transformer ce livre en un cri dénonçant les abus, la violence quotidienne subie par des gens qui ne sont là que pour travailler et pas pour souffrir.

Si elle n'oublie pas de rendre hommage à celles et ceux qui font leur travail dans la conscience, les maîtresses sont les cibles privilégiées de l’enquête, les directrices et les mairies suivant juste après. Il faut quand même se rendre compte de l’incroyable nombre d'exemples de personnes brisées en 1000 morceaux par des conditions de travail ubuesques dans le sens triste du mot. En gros, pour faire ce travail correctement, il faut : être adepte des travaux manuels, apprentie infirmière, assistante sociale, nutritionniste (NDG : quand on sait le triste sort qui est réservé aux légumes dans les cantines…) et même parfois un peu institutrice sur les bords quand on se retrouve à gérer un atelier en dernière minute puisqu’un enfant seul monopolise à un moment l'attention de la maîtresse.

Marie Grosset n'hésite pas à faire des kilomètres pour aller au bout de son projet, elle discute dans les groupes sur Internet et raconte en même temps que les témoignages sa construction du livre, avec ses doutes, ses failles personnelles, ses questions mais aussi ses certitudes. Le ton pourrait agacer parfois par un certain dramatisme et des tournures too much mais il faut reconnaître que la situation n'est pas rose, essayons de faire une petite liste de déconvenues :

- se taper le nettoyage et être interrompue par un enfant envoyé par l'enseignante pour par exemple…nouer ses lacets,
- se faire placer son bureau dans le couloir hors de la classe et se faire piquer par la même occasion ses affaires personnelles (!),
- essuyer le mépris quand l'incompréhension est exprimée, risquer la mauvaise note en contactant la mairie,
- devoir installer un atelier cuisine le jour de l’anniversaire de la maîtresse pour préparer le gâteau (avec des ingrédients achetés par l'école, cela va sans dire),
- devoir passer outre les prérogatives légales (récupérer l'argent des photos de classe, faire l’inventaire de la pharmacie de l'école…),
- devoir constater que les décharges sur le temps scolaire servent parfois à n'importe quoi (la glande, en fait),
- subir ou voir subir le harcèlement quotidien, la violence verbale (et même parfois physique pour l'exercice de l'autorité sur des enfants très jeunes…),
- toucher un salaire franchement moyen pour quasiment aucune possibilité d'évolution...

Et on pourrait continuer la liste sur des lignes et des lignes. Tout ça ne se passe pas partout en même temps, mais c’est une réalité souvent ignorée par ceux qui croient être fins en essayant un « tu dois être contente, c’est cool de bosser avec des gosses ! » : pour connaître un paquet d’ATSEM et avoir bossé longtemps et à plusieurs reprises dans l’éducation nationale, on peut témoigner que l'hypocrisie et la perversité de certain(e)s est juste sidérante et que l’on a toujours pensé qu’une formation de type BAFA et une initiation à la psychologie de l’enfant devraient être obligatoires avant de pouvoir prendre une classe en mains. Combien en a-t-on croisé qui pensaient gérer un village de Bisounours, que ça va bien se passer parce qu’ils « aiment les enfants » ? L’auteure se pose même la question de savoir si la violence de la société ne serait pas basée en partie sur le temps passé dans une école maternelle qui n'en a que le nom. Car les patiences s’usent plus vite qu’on le croit.

Pour en revenir aux ATSEM, celles qui occupent ce métier trouveront aussi à travers les témoignages des conseils et même des moyens de lutte, quand on se fade le fameux « grand ménage », exercice redouté pendant les deux semaines suivant la fin des cours, on a le droit à une armure au moins morale, la solidarité a du bon quand vient le jour des remerciements de fin d'année, celui où l’on oublie fréquemment les humains évoluant au ménage, à la cantine et bien sûr les ATSEM. On a le droit de rêver; peut-être un jour celles-ci bénéficieront aussi d’une tradition imbécile et repartiront de l’établissement chargées de fleurs et de chocolats ?

293 pages, 15,90 €

ISBN : 9791026254195

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