Chroniques DVD
27
Mar
1999

Les étoiles évaluent le plaisir ressenti à la découverte des œuvres, rien à voir avec une quelconque note !

hercule steve reeves film pietro francisci

Genre : Hercule très librement adapté d’après Sophocle et Eschyle, entre autres

Scénar : une galère fend les flots dans l’Attique avec à son bord Hercule qui retourne vers sa ville natale de Thèbes avec sa femme Iole et des compagnons mythiques (ou sur le point de le devenir, le jeune Ulysse est du voyage). Au niveau pratique, c’est vrai, qui mieux qu’Hercule pour escamper l’ancre du bateau dans la flotte quand il le faut ? Mais il peut aussi lui arriver de faire le diplomate : puisque les deux n'arrivent pas à se mettre d'accord pour gouverner la ville, Hercule tente de rabibocher les fils d’Œdipe, Polynice et Étéocle dont la haine réciproque pourrait bousiller la ville et dont le peuple a la frousse. Iole doit rester à Thèbes pendant qu’Hercule amènera un message à Polynice de la part d’un Étéocle qui semble finalement accepter de quitter le trône qu’il n'est censé occuper qu’un an sur deux à égalité avec son frère. Malheureusement, bordélus ex machina, sur le chemin Hercule est envoûté par une voix qu’il prend pour celle de Iole : Omphale, la redoutable reine de Lydie, vient de jeter son dévolu sur le demi-dieu, elle qui collectionne les prétendants qu’elle drogue puis fait tuer quand elle en trouve un nouveau telle une araignée maléfique.

En voilà une équipe de costauds ! Pietro Francisci bricole avec visiblement beaucoup de moyens une suite plus ou moins directe des Les Travaux d'Hercule (sortis l’année précédente) basé sur divers récits dont Les Sept contre Thèbes d'Eschyle et Œdipe à Colone de Sophocle. Pour ce faire, il rebelote avec la plupart de l’équipe de 1958 dont Mario Bava, que l’on crédite souvent au poste d’assistant directeur mais qui est en tout cas le maître d’œuvre des effets spéciaux, de la photographie, de l’éclairage (ces couleurs chatoyantes !) et on se doute qu’il n’est pas pour rien dans le fait qu’Hercule et la reine de Lydie frise le gothique avec ces hommes statufiés et bleus ou les mystères lugubres des rites d’embaumement égyptien qu'on ajoute au potage déjà bien garni. Le futur réalisateur Flavio Mogherini joue l’architecte, l'athlétique acteur Steve Reeves aux muscles brillants est lui aussi de retour et montre qu'il n'était death-y-dément pas un mauvais acteur (malgré certains gestes un peu ridicules ça et là). Pour le plus grand plaisir des yeux, mais aussi des oreilles puisque bien sûr Iole chante comme une déesse (en italien, peu importe) la divine Sylva Koscina rempile itou.

Si dans cette histoire compliquée comme dans tout bon récit mythologique, le demi-dieu s’avère être souvent un parfait crétin (ah lui et sa sieste !) contrairement à un jeune Ulysse jouant ici une sorte de bouffon très malin, déjà très stratège et plus courageux encore, c’est progressivement un Steve Reeves très théâtral et plus proche, comme les personnages plus âgés (Œdipe, au hasard) de la tragédie antique telle qu’on se l’imagine, qui affronte de multiples adversaires humains (et certains acteurs avaient vraiment la tête de l'emploi pour interpréter les méchants comme le « géant » Primo Carnera vraiment grand et laid, ou les patibulaires « frangins » Sergio Fantoni et Mimmo Palmara, la nature est bien faite !) ou animaux (ces tigres affamés n’ont pas l’air très méchants si on regarde bien) mais aussi la vue, parfois vénéneuse (la belle actrice française Sylvia Lopez dans le rôle d’une Omphale au sourire glacial figé par un maquillage affreux, la pauvre mourra d'une leucémie peu de temps après le tournage à vingt-six ans…), parfois réjouissante lors de danses colorées et chaloupées aux volumes soulignés (quelle invention géniale que la minijupe !)

Que manque-t-il alors à l’inventaire de ce petit classique du péplum Fifties ? Eh bien heavy-demment une musique vibrante (ici signée Enzo Masetti) avec chœurs à donf’ et bruitages exotiques, des costumes kitsch trop cool, de chouettes décors comme souvent (les jolis bateaux biscornus ont de la gueule) avec leur marbre en formica, un peu de comédie qui vient un peu trop vite (pour faire un grand public ?) mais qui laisse souvent la place au drame, un peu de noirceur (un tyran sur le trône face à un tyran qui le réclame, plein de squelettes qui jonchent le sol…) et, encore heureux dans ce monde sans logique, de magnifiques absurdités (tiens, si on se faisait emprisonner avec nos pigeons voyageurs, Herc’ ? Checke tes plumails Ithaque !) et des personnages simili-Kirk Douglas qui font HAHAHAHAHA tout le temps ! N’empêche, ce film est plutôt bien équilibré entre action, aventure et comédie, une réussite qui fait plutôt plaisir à voir quand on est amateur d'un genre désuet mais définitivement attachant, même si on ne retrouvera plus ensuite Steve Reeves dans le costume herculéen. La cohorte de prétendants est déjà là, n’ayez crainte !

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