Delirium de Philippe Druillet avec David Alliot (Les Arènes - 2014)

[Publié à l'origine dans Abus Dangereux N° 121]

"La mort, c'est l'ultime révélation, c'est une délivrance, et la seule vérité"… C’est pourtant la vie du fabuleux dessinateur Philippe Druillet que l’on découvre avec ce récit autobio-graphique (il y a quelques illustrations là-dedans) du maître de la SF français, un des fondateurs des Humanoïdes associés et du culte Métal Hurlant, une histoire vitriolée à la mesure d’une méchante blessure béante : fils de collabo notoire, il règle enfin ses comptes à soixante-dix berges, il ne se fait pas plus doux pour autant et tape même aussi fort qu’avec son dessin. Du prologue à l'épilogue il se livre sans concessions, il écrit comme il parlerait à quelqu'un en face, droit dans le fond des yeux. On suit ses pérégrinations de Toulouse à Sigmaringen, du Gers au Paris de la galère, des appart' miteux au minuscule local de concierge en passant par les chambres de bonne, Druillet commence tôt à s'évader dans des mondes qu'il imagine avec ce que le décor alentour - mais aussi, surprise, Blake et Mortimer - lui inspire: "La beauté, j'ai dû la construire moi-même, à ma manière, avec mes moyens…". Alpiniste des cimes et scaphandrier des abysses, Druillet est un descripteur précis des personnages et des évènements, accentue ou estompe certains pour une vue d'ensemble crue et réaliste, écorché vif, il se dit même médium. Mais ça ne l’aidera pas devant les zones d'ombres qui subsistent, la mère ayant détruit de nombreux documents, Druillet hurle sa rage à cause de cet acte. Sauf que la vérité n’est pas forcément moins douloureuse: "Un poids très lourd à porter. Je ne suis pas responsable de ce qui s’est passé, mais je ne peux pas faire comme si ça n’existait pas". Dont acte.  

274 pages, 17 €

ISBN: 9782352042983

© GED Ω - 16/02 2015

Voir aussi : La Nuit de Philippe Druillet (Glénat - 2014)