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Les étoiles évaluent le plaisir ressenti à la découverte des œuvres, rien à voir avec une quelconque note ! |
« Je crois que j'ai la rage au ventre » répond Charles quand on lui demande ce qu'il se passe…
Car au lycée de Placerville dans le Maine, « où tout le monde est prisonnier pour une nouvelle journée dans la merveilleuse toile d'araignée gluante de Notre Mère Éducation », la convocation chez le directeur de l’élève Charles Decker, qui a « commencé à perdre la boule » deux ans auparavant, dérape totalement. Decker, qui flingue deux de ses profs et prend sa classe en otage, livre dès lors à la fois les sentiments profonds qui l'animent, ses dialogues avec ses otages et l'organisation du cordon de sécurité à l'extérieur où essayent de ne pas céder à la panique pompiers, police, personnel médical etc. « Il suffit de tourner le miroir sur le côté pour voir votre reflet se distordre de manière sinistre, d'un air mi-sain, mi-fou. Les astronomes appellent cette ligne de démarcation entre l'ombre et la lumière la ligne terminatrice ». Sacré Charles, c’est dingue comme un seul mot peut être éclairant…
Dès ses débuts, Stephen King manifeste un talent intersidéral de conteur jonglant avec une multitude de références à la musique, à la littérature et au cinéma fantastique d'épouvante, des tons et des vocabulaires distincts, de l'enfance presqu'innocente à la noirceur la plus totale qu'il instille toujours à petites touches, un exemple, une anecdote, une comparaison, le tout sans sonner verbiage une seule ligne. « Des mots avec des yeux et des dents » qui nous évoquent un titre qu’il utilisera plus tard : Anatomie de l'horreur, ou comment un auteur peut avec autant de talent disséquer les relations entre les gens, laisser se développer les sentiments bien enfouis dans la chair pour les libérer, sans aucun besoin d’effets spéciaux à la L’Exorciste et tous les autres, il suffit simplement d'avoir une claire idée sur la psyché humaine, la vraie, celle chez qui la plupart des réflexions ne sont que jeux de domination, mauvaises pensées, souvenirs d'échecs cuisants, blessures jamais guéries, la société n'y est pas pour rien, elle fabrique les alcooliques, les maris violents, elle contraint au moule des animaux faits pour être sauvages dans toute leur brutalité.
Un des chantres de l'autorité ne parle-t-il pas d'ailleurs à un moment d'acte « antisocial » à propos de ceux de ce jeune homme qui prend les armes et décide de provoquer le chaos tout en se foutant pas mal du reste, son bon sens de mécréant lui faisant d'ailleurs dire à propos des psy qu’ « ils sont là pour baiser les malades mentaux et les engrosser de normalité ». S’il est compréhensible d'abhorrer le crime, celui-ci permet toutefois à tous les témoins de sortir du fond de leurs tripes une vérité qui les étrangle, leurs complexes, leur haine, leur amertume, c’est d’ailleurs le jeu de Charles, entre exploitation du syndrome de Stockholm et règlement de comptes avec la vie. Et celui de King face à une société américaine systématiquement en ligne de mire pour optimiser l’effet choc : « Je vous signale simplement que les gosses américains vivent dans un monde de violence, dans la réalité comme dans la fiction. » Découvert dans la bibliothèque de plusieurs jeunes tueurs de masse américain, King a demandé que ce livre ne soit plus imprimé. Comme si l’autocensure pouvait faire quelque chose face à la connerie intrinsèque du royaume de la NRA…et de Google.
249 pages
ISBN : 2277234397
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