Chroniques romans
14
Avr
1999

Les étoiles évaluent le plaisir ressenti à la découverte des œuvres, rien à voir avec une quelconque note !

« - Maintenant, que je te voie plus, dit-il. Des gars de ton genre, sans boulot et avec ton allure, j'en veux pas dans ma ville. Tes petits copains rappliqueraient à la minute. Et imagine la suite : mendicité, peut-être même vols, drogues. »

Non mon garçon, tu n'es pas parano : si tu n'arbores pas les attributs de la « normalité », tu seras pourchassé. Tel ce jeune homme qui ne demande juste qu'à s'arrêter en ville manger quelque chose et qui se voit harcelé par un policier qui sent chez le vagabond des velléités de désordre, quitte à montrer lui-même un léger penchant pour la paranoïa. Pour avoir cultivé l'anticonformisme depuis toujours, on sait ce que c'est que d'être regardé de travers, suivi dans les rayons des magasins, mal reçus dans certaines expositions « officielles » (ah Caravage je pense toujours à toi 1), mais on n'est pas du genre à se laisser faire et Rambo, comme tout le monde le sait après avoir pénétré les salles obscures en 1982, ne va pas se laisser faire non plus. Mais alors pas du tout.

« Il s'était promis qu'il ne ferait plus jamais de mal à quiconque, et ce salaud l'avait poussé à tuer encore une fois. Si Teasle insistait, Rambo était résolu à se battre. Ce serait un combat que Teasle n'en finirait pas de regretter d'avoir déclenché. »

Dans l’ultraviolence qui va suivre, il n’est pas vraiment responsable de grand chose : l'idée que la police d'État puisse régler l'affaire sans lui rend le sheriff Teasle malade et le pousse à prendre de mauvaises décisions, comme celle de ne pas vouloir attendre le matin pour se lancer à la poursuite de ce jeune homme qui lui, tout ne le monde ne va pas tarder à en payer le prix, a toute l'expérience qu'il faut pour survivre n'importe où, dans n'importe quelle condition (le passage effrayant de la mine par exemple n’aurait pu être mis en images tant l'auteur use de descriptions cauchemardesques pour planter le décor et emprunter volontiers les sentiers de l’horrifique, faisant du roman un modèle de suspense très en avance sur son temps et un exemple fantastique de réalisme et de désespoir quant à l'attitude de l'homme face à des congénères qu'il juge différents.

« Si Teasle insistait, Rambo était résolu à se battre. Ce serait un combat que Teasle n'en finirait pas de regretter d'avoir déclenché. »

 

Bien entendu, s’il on ose une comparaison idiote avec le film qui sort dix ans après le livre 2, David Morrell décrit Rambo comme un jeune homme sortant à peine de l'adolescence et crevant de peur pendant cette traque presque injuste. Mais la peur peut toujours changer de camp, celui que tout le monde, Teasle en tête, appelle « le gamin » est un personnage, heavy-demment bien plus profond que celui qui apparaîtra bien plus basique à l'écran. Les deux ennemis ont des parcours similaires et des blessures profondes sur lesquels Ted Kotcheff & Co. ne s’éternisent pas, il y avait pourtant de quoi livrer un film immense, il ne s’avèrera « seulement » que très bon, quand on a un cerveau relié avec une tête, on doit reconnaître que Rambo le film fut pour longtemps un des meilleurs sur le sujet : comment la guerre du Vietnam arriva en plein cœur de l'Amérique où le sort des vétérans m'intéresse pas grand monde quand la société se divise au sujet même de la guerre. Le rôle du colonel Trautman, largement exagéré dans le film, ne signifie pas grand chose tandis que le monde intérieur des adversaires peuple toutes les pages, le jeu parallèle de deux conversations intérieures de vétérans aux entraînements différents, aux dosages différents et au rapport aux lois humaines faussés par l'expérience.

 

Cinquante ans après sa parution, le premier et sûrement le seul valable des Rambo (Morrel transposera tout de même les films suivants 3 afin de leur offrir un côté littéraire mais bon…) n’a pas pris une seule ride, son discours décapant sans héros ni blabla non plus. Cette très chouette réédition se termine par un texte de Morrell datant de 2000 qui rappelle les circonstances de l'écriture de ce premier (!) roman alors qu'il n'était qu'un prof de littérature contraint, l'écriture ne payant pas vraiment ses adeptes aussi facilement que l'administration. On en sait quelque chose ! Ah et si les détracteurs de Rambo empoignaient ce livre palpitant de la première à la dernière page découvraient une terrible vérité : la littérature ne se limite pas à l'empilement de figures de style, elle peut, électron éternellement libre, prendre des atours incroyablement surprenants, par exemple en faisant éclater cette bombe (avec ou sans jeu de mots), retentir ce cri appelant à regarder l'oppression en face. Les suites qui n'ont rien à voir avec le message révolté originel feront tout leur possible pour divertir les gens, quitte à déclencher des polémiques. Reagan est au pouvoir et avec lui l'Amérique toute-puissante, la même qui prendra des claques un peu plus tard, une fois l’euphorie de la chute du communisme retombée.

1 voir Corps et ombres - Caravage et le caravagisme européen à Montpellier, Musée Fabre.

2 voir Rambo de Ted Kotcheff (avec Sylvester Stallone, Richard Crenna…) 1982.

3 voir d'abord l'influentiel Rambo 2 : La Mission de George Pan Cosmatos (avec Sylvester Stallone, Richard Crenna…) 1985.

268 pages, 10 €
ISBN : 9782351786734

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