Chroniques Blu-Ray
03
Avr
1999

Les étoiles évaluent le plaisir ressenti à la découverte des œuvres, rien à voir avec une quelconque note !

jess franco film servais noir bluray

Genre : machiavélique Leprince !

Scénar : qui est donc ce Juan dont se languit une jeune femme éprise d'amour pour lui ? C'est un serveur du Stardust, un bouge louche de la ville tenue en sous-main par des truands proxénètes et trafiquants de drogue dont il est sûr que se trouve à leur tête un notable de la ville, immigré français et aspirant sénateur, Leprince, que les affiches placardées partout présentent pourtant comme le champion de l'ordre. Quand il le dit à l'inspecteur Miguel Mora, un policier qui a décidé de croire en lui contrairement à une hiérarchie qui ne voit qu'en Juan un délinquant de plus, Mora le met en garde devant les graves dangers que le jeune homme court s'il est repéré. Et il se trouve qu'il est repéré. Quand celui-ci ne vient pas au rendez-vous convenu avec le policier, Miguel fonce chez Leprince et menace directement l'armateur richissime de carrément le tuer s'il arrive quelque chose à son protégé. Celui-ci sera plus tard balancé mort à travers la fenêtre du policier comme réponse à l'entretien. Mora part au quart de tour, se fait déglinguer par les hommes de main de Leprince mais est sauvé in extremis par des gens qui connaissaient Juan. Et si c’étaient les mêmes qui commencent à abattre les uns après les autres les sbires de Leprince ?

Jess Franco est également co-scénariste du film bâti sur le roman de Charles Exbrayat Vous souvenez-vous de Paco ? publié en 1958 au Masque et récompensé la même année par un Prix du roman d'aventures. Le texte original est ici augmenté d'une dimension politique (questionnant par exemple le bien-fondé final du système du vote ?) qu'un réalisateur aussi anarchiste que Jess Franco ne pouvait s'empêcher d'apposer à une histoire dont le personnage de méchant principal est ici aussi, on le devine facilement, un français qui a fui l'épuration qui commençait à s’amorcer en France, le fameux Leprince ayant débarqué en avril 1944 dans un pays sud-américain qui n'est pas nommé, comme c'était déjà le cas pour La Muerte silba un blues avec lequel Riffi en la ciudad complète un diptyque noir, mélancolique et exotique, où le travail général de cinéma se révèle appliqué et franchement réussi. La confrontation des deux personnages principaux (voyants) offre la possibilité de comprendre la signification du titre espagnol, encore une fois bien plus pertinent que les titres idiots qui arriveront après : ce film fait réapparaître à l'affiche deux des acteurs du monumental Du rififi chez les hommes de Jules Dassin inspiré de l'œuvre tout aussi formidable de l'écrivain et scénariste français Auguste Le Breton.

En parlant d’écriture, retour à la police de caractère façon machine à écrire pour un générique plutôt rigolo avec ses traces de pas entourées et numérotées pour apprendre à danser. Bien sûr on en perdrait son latin si on ne l'avait pas déjà oublié depuis longtemps. C’est aussi le moment d’images de musiciens en action pour rythmer à la sud-américaine une introduction, la charmante blonde en train de danser envoie un baiser à la caméra, c'est mignon, pile au centre de ce joli palindrome musical plutôt malin qui repart du coup en sens inverse, la classe, tout comme la musique de Daniel White, entraînante et joyeuse. Une musique qui n’adoucit cependant pas les mœurs, car parmi les costumes utilisés pour les chorégraphies, un va même jusqu’à l'armure ! Mais les bizarreries de Tonton Jess n’effacent pas son talent et son audace, les chansons de la fille sont filmées comme de véritables Scopitones tandis que des noirs et des blancs s’embrassent goulument (l’Espagne franquiste a dû adorer !). Des femmes fortes et des hommes faibles aux prises avec une histoire moins compliquée que la précédente mais plus noire avec un vengeur de cuir très giallo, une atmosphère onirique, une facette méconnue de Jess Franco que l'on est ravi de voir revenir dans les bacs avec ces superbes éditions !

Question aux spécialistes : le film dans le film est-il La Venganza del Zorro réalisé par Joaquín Luis Romero Marchent et scénarisé par Jess Franco en 1962 ?

Bonus : le film réédité en version intégrale et restaurée est accompagné de « Du rififi chez Franco » (présentation par Stéphane du Mesnildot, 20’), de scènes coupées (13’, un certain nombre d'entre elles auraient nui à l'intrigue du film puisqu'elles « parlent » trop et dans le film noir, on ne parle pas trop, sinon ça finit mal !), du générique français (bien moins inventif que l'espagnol) et d'un diaporama…

Infos / commande : https://artusfilms.com/jess-franco/chasse-a-la-mafia-vous-souvenez-vous-de-paco--398

Les mots-clés :

Quelques chroniques en vrac