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Les étoiles évaluent le plaisir ressenti à la découverte des œuvres, rien à voir avec une quelconque note ! |
Genre : drame pacifiste
Scénar : Maréchal, lieutenant pilote, doit accompagner le capitaine de Boëldieu en reconnaissance au-dessus d’un détail qu'il trouve suspect sur une photographie ramenée par avion. Les deux sont abattus par les allemands chez qui ils se retrouvent prisonniers de guerre mais accueillis avec tout le respect dû à un officier par un autre officier. Le captaine von Rauffenstein sent tout de suite une connexion avec le capitaine français, la haute société ne manque jamais de se tendre la main à une époque où celle-ci semble être d’un autre temps, de son propre aveu. D’ailleurs, les « manuels » se rencontrent aussi à l’occasion, Maréchal n’a-t-il pas travaillé en mécanique comme un des officiers adverses ? Toujours est-il qu’ils sont ensuite emmenés vers leurs cellules dans un camp où ils devront se plier à la loi allemande. Certains comme le riche lieutenant Rosenthal reçoivent de plantureux colis remplis de bouffe luxueuse, et il n’est pas du genre à garder pour lui : noble, prolétaires, intellectuels, fonctionnaires mangeront tous à la même table, l’union fait la force, surtout après un bon repas. Et pour creuser en vue d’une évasion, il faut de la force. Mais au moment où les « taupes » touchent au but, les officiers sont changés de camp et sont dirigés vers un château à Wintersborn où la discipline sera beaucoup plus sévère et la possibilité de partir infime. Maréchal, Rosenthal et de Boëldieu y retrouvent von Rauffenstein qui après une grave blessure, est devenu bien malgré lui un garde-chiourme…
Devra-t-on répéter encore et toujours la valeur et la puissance d’un tel film, qui plus est créé par une telle (belle ?) équipe, Jean Renoir s’inspirera d’une histoire vraie avant d’écrire le scénario à quatre mains avec l’immense Charles Spaak (scénariste-dialoguiste de dizaines de classiques, de La Bandera à Cartouche en passant par La Belle équipe, Gueule d'amour, Le Récif de corail ou L’Assassinat du Père Noël !), engagera Dita Parlo, Jean Gabin (qui aidera le réalisateur à trouver un financement), Pierre Fresnay, Erich von Stroheim (aux faux airs de vampire, le seul allemand avec un accent américain sur le marché ?!), Julien Carette (dont le personnage électrique est en permanence une vraie fontaine à jeux de mots moisis) et Marcel Dalio, une belle liste d’acteurs très connus dans les années 1930, plutôt pas mal pour un cinéaste quasiment débutant 1 et notoirement engagé à gauche au grand désespoir / à la grande colère de nombre de pontes très conservateurs du cinoche français. Autre sympathisant communiste, le compositeur Joseph Kosma fait aussi du bon boulot même si des inclusions extérieures sont également au programme (Frou-Frou, Frère Jacques, It's a long way to Tipperary, Il était un petit navire et bien sûr…La Marseillaise. Pour finir sur un jeunot, parmi les assistants on repère un certain Jacques Becker qui a trouvé là une sacrée bonne école. Autre personnage de la dernière partie du film, le château allemand bien français puisqu’il s’agit du splendide Haut-Kœnigsbourg !
Empreint d’un pacifisme sans gnagnaterie, La Grande illusion met tout le monde sur un pied d’égalité face à l’absurdité des conflits (des deux côtés du feu on aime bien écouter un bon disque avant de prendre l'air, les Allemands rendent hommage aux officiers descendus par leur propre chasse, les français ne refusent pas de leur serrer la main, pour ne pas que l'on mette en cause ce qu’il nomme lui-même « la barbarie allemande », Rauffenstein fait appliquer les règles du livret militaire français en échange d’un avertissement franc à ces français champions de l'évasion : faire une tentative, qui serait d'après lui vouée à l'échec, équivaudrait sûrement à une fin prématurée…), c’est même entre les deux personnages principaux français qu’est exposé un joli contraste : drôle d’ambiance entre un officier de sang noble qui se sent plus proche de son adversaire allemand que de n’importe qui au crépuscule de l’aristocratie classique, et un autre à la gouaille d'extraction purement prolétaire et parisienne ! Le contraste s’accentuera plus encore entre les acteurs pendant la guerre suivante quand Gabin s’engagera dans les forces alliées tandis que Fresnay continuera de bosser sous l’Occupation, quitter à accepter des contrats de la société Continental Films alimentée par les subsides nazis… Pour revenir à nos moutons, la scène du spectacle est un classique du film de prisonniers, tout comme celle du concert de flûte restera gravée à jamais dans les tronches. Un sommet du cinéma français, l'idéniable fin d’une époque aussi.
1 voir La Vie est à nous de Jean Renoir et Jacques Becker, Jacques B. Brunius, Henri Cartier-Bresson, Jean-Paul Le Chanois, Maurice Lime, Pierre Unik, André Zwoboda (avec Jean Dasté, Simone Guisin…) 1936 et Les Bas-fonds de Jean Renoir (avec Jean Gabin, Suzy Prim…) 1936.
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