Chroniques BD
02
Jan
1999

Les étoiles évaluent le plaisir ressenti à la découverte des œuvres, rien à voir avec une quelconque note !

Tintin se rend en Afrique pour réaliser un reportage

que les grands journaux s’arrachent avant même sa publication mais ils ne l’obtiendront pas, le reporter est loyal jusqu’au bout à sa rédaction. Le voyage est d’abord ponctué d'incidents autour du chien Milou : attaqué par un perroquet belliqueux puis précipité à la mer lors d'une bagarre avec un mystérieux passager clandestin, il revient de loin quand le bateau parvient enfin à destination. Le duo est très attendu par les africains mais aussi par quelqu’un qui semble avoir pour mission de provoquer la perte du journaliste, gare à toi, jeune homme !

Après l'épineux voyage au pays des Soviets 1, voici sûrement l'album le plus douloureux de la série (ok, ex-aequo avec L’Étoile mystérieuse). Cette fois c'est l'Afrique et le Congo (à l’époque belge qui plus est, après une colonisation pour le moins cruelle mais laquelle ne l’a pas été ?) qui trinquent avec un récit qui fait la part belle à un regard pour le moins condescendant sur des contrées encore à des années-lumière du « progrès » symbolisant le monde occidental qui se partage le continent en dominateur supérieur. Les pages figurent ici des africains gentils mais un peu flemmards et manipulés par des sorciers maléfiques, et qui parlent un langage vraiment ridicule. En revanche, bien sûr, le gentil blanc du coin est le missionnaire adepte de l’alphabétisation et l’éducation… On oublie souvent qu'en Occident les curés font dans l’ouverture d’esprit avec leur vision du monde… Nan, c’est pour rire.

Cet album, s’il montre un dessin d’Hergé plus fin que sur un précédent album graphiquement plutôt affreux, comporte quantité de textes pas fins dont l’auteur aura d’ailleurs l’intelligence d’avouer les avoir nourris à l’époque des préjugés paternalistes, voire même racistes, qui régnaient, comment faire autrement d’ailleurs, on était loin d’internet et de la source intarissable d'informations, demandez donc à Jules Verne ou Jules Ferry de vous conter l’exotisme et vous verrez qu’Hergé était plutôt diplomate par rapport à ces célébrités françaises… Son héros ne manque pas de s’adonner aux passe-temps les plus respectables : le salopard flingue ainsi crocodiles, antilopes, singes, lions, buffles, serpents, rhinocéros, éléphants (à chasseur blanc, cœur noir !), fait joujou avec la dernière technologie (caméra, phonographe, électroaimant…), se permet même de remplacer un instituteur à point nommé, à ce petit bonhomme rien ne semble impossible ni gênant. Mais c’est aussi un bon gars, tellement que son chien défie un lion pour le sauver ! Epris de justice et de liberté, courageux et malin, Tintin est définitivement le héros parfait.

Malgré le discours ultra daté et stéréotypé à l'extrême (et cette version remaniée en 1946 est franchement lissée par rapport à l’originale !), on découvre tout de même dans ces pages de la pure aventure, ponctuée par des gags drôles et cartoonesques (en particulier grâce à Milou et des animaux qui parlent comme chez Disney), une intrigue plutôt moderne pour l'époque (avec déjà des ennemis implacables comme le sorcier Muganga et le mystérieux assassin) qui lance la logique de série en jumelant ce récit au suivant en Amérique, qui n’en est pas moins encore basé sur les préjugés lourdingues pullulant à l’époque sur le jeune continent nord-américain, entre autres par le truchement du cinéma. Notons pour finir la furtive apparition des Dupondt dont on n’a pas fini de parler. Vivement une édition avec un avant-propos qui éclairerait la réalité géopolitique de l'époque de la conception de cet album ! On peut toujours rêver !

62 pages en couleurs, 6,95 €
9782203003040

1 voir Tintin au pays des Soviets de Hergé (Casterman - 2006)

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