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Les étoiles évaluent le plaisir ressenti à la découverte des œuvres, rien à voir avec une quelconque note ! |
Genre : classique parmi les classiques
Scénar : « Même moi j'aimerais mieux pas savoir où je vais, je serais plus tranquille »… Le magouilleur de service Marcel Martin a beau jouer les prétentieux, il n'en mène pas large quand il se retrouve à jouer de l'accordéon pour couvrir les cris horribles du cochon qu'on égorge en vue du marché noir. Car une fois découpé, il devra également le trimbaler dans tout Paris dans des valises jusque chez un détaillant. Comble de malchance, son partenaire pour cette odyssée à pied pendant le couvre-feu est arrêté. Ne manquait plus qu’une dispute avec sa femme ! Heureusement, il dégote un inconnu, Grandgil, pour le seconder, un type assez bizarre et surtout fort malin. Peintre, il ne semble pas manquer de grand chose et pourtant il se croit obligé de régler ses comptes avec une période où tout semble finalement être permis, particulièrement aux salopards, et le peuple innocent ou presque au départ, avec ses galères quotidiennes (« Allez, à table, un mauvais moment à passer »), ne semble pas se rendre compte qu’il ne vaut pas mieux que les autres. La philosophie c’est bien beau, mais si des clébards affamés commencent à se mettre en remorque de la boucherie clandestine, les deux hommes parviendront-ils à faire leur livraison sans tomber sur les flics ou la Wehrmacht ?
Les trois plus grandes figures populaires possibles enfin réunies dans un film mettant en scène les turpitudes de valises de viande dans le Paris occupé, d'après une nouvelle de l’immense Marcel Aymé. Sur un scénario et des dialogues du duo Jean Aurenche / Pierre Bost, La Traversée de Paris est une succession de scènes cultissimes (les flics, les valises fragiles, les chiens, les gueulantes de Gabin, entre autres sa diatribe contre les gens qu'il « chasse de sa mémoire » - « vous n'avez pas honte d'exister ?! » -, la crise de nerfs géniale de Louis de Funès / Jaaaaaambieeeeeer du 45 rue Poliveau !!!!), un film légendaire et méchamment acide, fondamentalement noir, car il n'y a pas grand monde à sauver du panier de crabes : pendant que planqués et profiteurs s’allument, les débrouillards s'organisent, on se tire dans les pattes (comme l'itinéraire est plus long, Grandgil négocie à la dure, il est aussi un peu trop cultivé, pire, il parle même allemand et passe des coups de fil suspects, de quoi maintenir le scénario dans l’ambiguïté…) pour toujours gratter plus et tant pis si le malheur règne partout autour, particulièrement, c’est toujours le même qui trinque, pour ce cochon trop bon qui occasionne une scène pas drôle pour les végétariens, sans parler de cette malheureuse bestiole.
Le personnage de Bourvil, peut-être plus encore que celui de Louis de Funès qui n’est au moins pas hypocrite, est désagréable dès le départ quand il s’offusque du mendiant qui joue la Marseillaise à la sortie du métro, il se targue de ne pas demander la charité mais de la faire quand sa femme souligne le courage de l'homme au violon que même un officier allemand vient récompenser d'une pièce. Mais celui de Gabin n'est pas plus rassurant car affublé d'une personnalité célinienne pas loin d'afficher sa misanthropie et sa tendance à l'anarchie nihiliste (après tout, on ne saurait lui donner tort, « tout est trop con » !) face à une espèce humaine encore moins reluisante quand le danger la guette. C’est d'ailleurs la nuit, ici bardée de splendides jeux d'ombres, qui est peut-être la véritable héroïne de l'histoire. Elle permet de voir les personnages sans fard, dans toute leur nudité comme sous le coup d'un projecteur blafard dans un noir puissant qui reflète une époque que très peu de films parviendront à mettre en scène correctement. On pense par exemple aux excellents Au bon beurre et Uranus et, dans une veine beaucoup plus burlesque, la trilogie de La Septième compagnie ou Papy fait de la résistance, juste pour le travail fait sur les personnalités, veules au possible.
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