Chroniques DVD
10
Avr
1999

Les étoiles évaluent le plaisir ressenti à la découverte des œuvres, rien à voir avec une quelconque note !

damiani ornella féminisme mafia sicile film

Genre : « La Ragazza che disse di no »

Scénar : d’habitude c'est la panique quand la police est dans le quartier mais, cette fois-ci, hors de question de fuir, tout le clan se rassemble autour du parrain qui donne les ordres concernant la suite. Vito Juvara, un jeune homme dont il a constaté le courage mais aussi son impatience à lui rendre service, est envoyé chercher les carabiniers qui se demandent bien ce qui se trame. Vito est furieux de voir les mafiosi embarqués par les flics mais ceux-ci savent déjà que le procès à venir ne tiendra pas debout. Le parrain pousse Vito à épouser une fille, de préférence pauvre, il porte son dévolu sur la magnifique Francesca dont il écarte le fiancé officiel. Et comme le jeune homme est déjà puissant et qu'il sait y faire, les parents donnent leur bénédiction. Les mafieux s'aperçoivent entretemps qu'ils ont fait un mauvais calcul et qu'un mouchard risque de les faire tomber au profit d'une autre famille et le jeune homme doit prendre les devants : il se débrouille habilement pour être présent au commissariat lors de l'assassinat mais le capitaine n'est pas dupe et Francesca, qui  « déteste la violence », est traumatisée. Comme elle lui pose un lapin devant la mairie, Vito enlève et viole Francesca dont la famille s'écrase. Mais elle signe une déposition et refuse de reculer malgré les reproches de son propre père, un lâche parmi tant d'autres.

Introduit par une belle musique tendue et pleine de guimbardes servie par Ennio Morricone et Bruno Nicolai, voici le second film de Damiano Damiani autour de la mafia 1, dans un souci de cohérence dans l'exploration de sa filmographie, on met sciemment de côté le rare Una ragazza piuttosto complicata (1969), tout à fait dans un autre genre. Damiani s’inspire cette fois de l'actualité pour bâtir un nouveau réquisitoire contre la tradition mafieuse en Sicile en prenant cette fois l'exemple de l'affaire Franca Viola qui mena courageusement un combat contre le « matrimonio riparatore », saloperie de tradition qui effaçait comme par magie la trace d'un viol par le mariage. Ornella Muti, qui joue ici dans son premier film, incarne déjà avec beaucoup de talent un personnage très mal vu dans une région où la trop fameuse pieuvre règne sans partage avec un système de pseudo-protection qui entraîne les « petits » à être les pions des « grands » qui exercent leur domination par la terreur : comme dans une scène du film, un type plombé en pleine rue, pissant son sang à même le sol ne peut espérer que quelqu'un le prenne en pitié, il en va de la tête de ceux qui se rebiffent, et pourtant la jeune femme s’y risque, montrant que certains ont plus de sentiments, particulièrement du courage, que tous les autres réunis.

De quoi faire trembler, non pas une terre déjà régulièrement secouée par les éruptions volcaniques qui ont laissé beaucoup de traces dans le paysage comme on peut le voir dans le film, mais les siciliens eux-mêmes, ce petit peuple de paysans et d'ouvriers habitué à courber l'échine devant ces seigneurs de guerre hérités du Moyen-Âge. Pour revenir à l'image du volcan, on a beau faire ce que l'on veut, le magma est toujours vivant sous la croûte terrestre, tout comme la mafia règne souterrainement sur la société. Alors quand dans le même temps le parrain 2 voudrait presque qu'on le plaigne car il ne sait plus comment il faudra vivre en prison trente-cinq ans après sa dernière expérience, un jeune coq se croit investi de la mission de maintenir l'emprise mafieuse sur la ville. Alessio Orano est d'ailleurs assez convaincant avec une allure qui n'est pas sans rappeler un certain Alain Delon, un jeune homme autoritaire et manipulateur qui ne semble trouver ses limites que face à cette gamine de quinze ans qu'il n'aurait pu blesser plus profondément. Ce drame teinté de thriller et de policier rejoue la même tragédie que la Sicile connaît toujours, rares sont les personnes à la logique si implacable que celle de la jeune fille : la vendetta est trop facile pour une femme « déshonorée », c'est vivant que le coupable doit être puni.

1 après La Maffia fait la loi de Damiano Damiani (avec Claudia Cardinale, Franco Nero, Lee J. Cobb, Tano Cimarosa, Nehemiah Persoff, Ennio Balbo, Ugo D'Alessio, Fred Coplan, Giovanni Pallavicino...) 1968

2 interprété par le grand Amerigo Tot, inoubliable tueur silencieux de Michael Corleone dans la deuxième partie du Parrain de Francis Ford Coppola

 

Les mots-clés :

Quelques chroniques en vrac

abk terror shark split vinyle thrash metal